Mitrovica, Prizren, envoyé spécial.
Etre juge à Mitrovica nécessite un certain courage et surtout beaucoup d'humour pour résister à l'absurde. «Ma vie n'est pas très différente de celle d'un détenu», explique Kapllan Baruti, président du tribunal de la grande ville du nord du Kosovo toujours divisée entre Serbes et Albanais. Chaque matin une voiture rouge et blanc de la police de la Minuk (Mission des Nations unies pour le Kosovo) l'emmène à son bureau du palais de justice du district, triste bâtiment gris de trois étages situé en zone serbe, au nord de la rivière Ibar. Le soir, elle le ramène à Zvecan, banlieue résidentielle verdoyante au nord de Mitrovica, où il vit cloîtré avec sa famille dans son petit appartement de 54 mètres carrés situé tout près d'une antenne de police onusienne. Ils sont les derniers Albanais du village. Ses collègues, six Albanais et un Musulman, vivent désormais tous au sud, en zone albanaise. Ils traversent chaque matin le grand pont de Mitrovica dans une camionnette blindée de l'ONU, bravant les quolibets et parfois les jets de pierres des gros bras serbes qui interdisent le nord de la ville aux Shiptari (terme péjoratif pour les Albanais). Pour chaque convocation, les accusés en liberté provisoire, les témoins ou les plaignants doivent obtenir une escorte de la communauté internationale. Quand la situation se tend dans le quartier serbe, tous les passages sont suspendus. Le magistrat serbe pressenti pour faire partie du tribunal de la ville a