Le choc est parfois frontal. «Cette jeune femme avait l'air si désireuse de s'en sortir. Je lui ai trouvé un premier centre d'hébergement pour elle et ses deux enfants. Ça ne lui convenait pas. Puis un autre. Elle ne s'est pas présentée là-bas, a prétexté une panne de RER. Quand elle est sortie d'ici, sans solution, elle m'a envoyé une lettre d'insultes, m'a traité de "salope, m'a dit qu'elle me retrouverait.» Laure est conseillère en économie sociale et familiale à Crimée, un centre d'hébergement d'urgence pour femmes seules, et avec enfants, situé dans le XIXe arrondissement de Paris.
Tous les jours, dans un box de deux mètres sur trois, elle reçoit en consultation les femmes débarquées là pour quinze jours, un mois, plus souvent deux, tente de leur trouver une solution pour après. «Ce public est très hétérogène, prévient-elle, des victimes de violences conjugales, des alcooliques, des sans-papiers, des jeunes immigrées de la deuxième génération, parties sans laisser d'adresse pour échapper à un mariage forcé, beaucoup de cassées psychologiquement.» Perdues, fragiles, angoissées, agressives ou agressées par tout et rien. «Les contacts ne sont pas faciles à établir. Certaines femmes auraient besoin d'un suivi psy. Beaucoup sont trop déprimées pour entendre quoi que ce soit. Ou trop en révolte, persuadées que nous "et le système social en général sommes responsables de ce qui leur arrive. D'autres au contraire se reposent entièrement sur nous, veulent être assistées comme de