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Libération

EMPLOI. Gérants de la misère. «Je prends des arrêts maladies pour souffler».

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Estelle, guichetière dans une caisse d'allocations familliales.
publié le 15 mai 2000 à 1h14
(mis à jour le 15 mai 2000 à 1h14)

Estelle travaille à l'accueil dans une caisse d'allocations familiales (CAF) située dans un quartier défavorisé de la banlieue parisienne où vivent de nombreux immigrés. Depuis huit ans, «au coeur de la misère», elle gère à 90% de la précarité. Elle reçoit les usagers et traite leurs dossiers administratifs.

«Parmi le public que je reçois, je distingue deux types de personnes. Il y a les gens très pauvres. Ils ont, malheureusement, accepté leur situation, suivent leurs droits avec attention, sont rarement agressifs. Et il y a ceux qui sont en situation de précarité. Eux génèrent de l'agressivité. Ils sont tellement perdus et malheureux qu'ils pètent les plombs. Ils accusent facilement le système, sont un peu paranos. Il y a quelque temps, un type s'est mis à hurler à l'accueil. «Appelez une assistante sociale», disait-il. C'était un cri de douleur comme un appel au secours, un cri qui vous remue les tripes. Nous ne savions pas quoi faire. Un chef est intervenu pour calmer la situation.»

30 personnes par jour. «En huit ans au guichet, je n'ai connu que deux situations de violence. Un jour, j'ai eu juste le temps d'éviter une claque. Une autre fois, une personne a tenté d'étrangler une collègue. L'affaire doit passer en justice. En fait, je vois plutôt des gens malheureux que violents.

«Chaque jour, je reçois une trentaine de personnes en entretien. Dès 7 h 45 du matin, les gens font la queue pour l'ouverture à 9 heures. En général, ils attendent trois heures avant d'être reçus