Yvette Mournetas est devenue prof «pour être libre». C'était en
1970. Elle était jeune, «un peu Mao» et ne voulait surtout pas de «petits chefs» sur le dos. Après une licence de chimie, elle avait commencé, sans conviction, une carrière de cadre dans un laboratoire de matières plastiques: «Il y avait plein d'ambitieux qui jouaient des coudes. Je ne supportais pas ça.» C'était au temps du plein emploi. A 25 ans, Yvette a quitté son job sans état d'âme pour entrer dans l'Education nationale qui, à l'époque, recrutait à tour de bras. C'était un peu son idéal: un métier sans pointeuse ni patron; un métier qu'on exerce, à peu près librement, comme on l'entend. Trente ans après, quand elle évoque ce passé, elle voit ce qui la sépare des jeunes collègues, embauchés après elle, c'est-à-dire en temps de crise: «Enseigner, pour eux, c'est d'abord un travail. Pour nous, c'était plutôt un engagement.»
Beaucoup de ses amis soixante-huitards ont le même parcours qu'elle: un peu gauchistes, assez naïfs et bourrés de bonnes intentions, ils sont entrés dans l'enseignement par la petite porte, celle des professeurs d'enseignement général des collèges (PEGC). Ils n'ont pas passé l'agrégation ou le Capes, concours hautement sélectifs qui imposent qu'on leur sacrifie au moins un an de bachotage intensif.
«Sous-profs». Yvette commence donc sa carrière de prof à Aubervilliers, dans un collège des quartiers populaires où son «engagement» la poussait assez naturellement. Dans cet établissement, elle dé