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Libération

Le rêve d'un retour glorieux

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Vendredi 14 avril
publié le 27 juin 2000 à 1h54

Nous quittons Solan au petit matin et nous laissons Zafar et Vijay à la gare de Chandigarh. (Moi, bien sûr, je voyage en voiture.) Zafar va mieux, mais Vijay a l'air épuisé, éreinté. Il répète plusieurs fois qu'on ne lui a jamais parlé aussi grossièrement, et il n'a pas l'intention d'en rester là. Je vois bien qu'il en a assez de la police, du voyage et sans doute de moi. Je lui dis que demain soir tout sera terminé, qu'il pourra redevenir avocat et ne plus penser à Salman Rushdie et à ses problèmes. Il a un petit rire et monte dans le train.

Aujourd'hui, il y a le banquet de la remise du Prix des écrivains du Commonwealth, mais ce n'est pas à ça que je pense. Sur la route du retour vers Delhi, je me demande quelles sont les intuitions qui se révéleront les plus justes : les mienness ou celles de mes protecteurs. Comment va se terminer ce retour-au-pays-natal : bien ou mal ? Je le saurai bientôt.

A midi et demi, je rencontre à huis clos R.S. Gupta, le commissaire adjoint, chargé de la sécurité à Delhi. C'est un homme calme et puissant, qui a l'habitude de faire les choses à sa façon. Il me dresse un tableau très sombre de la situation. Un homme politique musulman, Shoaib Iqbal, a l'intention de se rendre à la prière du vendredi dans la plus grande mosquée de la ville, la Juma Masjid, dans le Vieux-Delhi, afin d'appeler à manifester contre moi et contre le gouvernement indien qui m'a autorisé à entrer dans le pays : si l'imam de la mosquée - c'est Bukhari - soutient cet appel,