A un moment, Sabana a un doute: «On parle sans comprendre, dit-elle. C'est difficile à comprendre.» Abahn Sabana David est une fable obscure et nocturne, publiée en 1970, où Marguerite Duras fait le point sur ses croyances politiques. Au centre, une maison où se tiennent Sabana et David venus tuer le juif Abahn. Arrive un autre Abahn, qui est peut-être le même, peut-être pas. Plus loin, au-delà de la plaine et de la nuit, il y a Gringo, le chef qui a ordonné le meurtre, représentant de l'oppression capitaliste, ou communiste, ou les deux. Finalement, Sabana et David se mettront du côté du juif. « Chiens juifs, dit Abahn. Inutiles, dit le juif. Sans méfiance, dit Abahn. Joyeux, dit le juif. Silence. On entend des bruits de pleurs. Ils se retournent. Sabana pleure. Silence. Elle dit: Je veux les chambres à gaz. Je veux mourir.» Phrase-choc, qui signifierait ceci: je veux rejoindre le sort des persécutés dont les souffrances rejouent la condition humaine. Le motif de la destruction, omniprésent chez Duras, trouve dans la figure du juif sa forme et sa force politique. Le juif subit la persécution, mais toujours échappe: «Il est reparti encore, il est avec celle-ci sur le chemin désert, dans le jour naissant de Staadt, une nouvelle fois en vie.» Le juif est l'espérance, au milieu des ruines, celles de la littérature aussi bien, puisque ce roman est sec et aride, fait de dialogues et de didascalies, presque plus un roman, presque déjà un scénario. Un an après, cela deviendr
Critique
Forcément l'espérance
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par Stéphane BOUQUET
publié le 21 juillet 2000 à 2h27
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