«Les grenouilles ont des petits points d'or/Dans les yeux, tu l'savais? Tu dors?» Les lapins non plus, on ne les attrape jamais dans les phares lorsqu'ils courent dans le sens de la marche. Mon père disait que pour chasser le lapin en voiture il fallait surtout ne pas y penser, encore moins espérer un lièvre. A ma connaissance, il n'en a jamais mangé un seul. Mais il avait la technique: rouler pleins phares, en prendre un dans le faisceau, ne pas ralentir immédiatement, attendre que la lumière le dépasse et alors seulement passer en feux de croisement (il disait «en code», il parlait à l'ancienne, il faut dire que son permis de conduire, un simple bristol marronnasse, daté de 1920, avait pour titre: «Certificat d'aptitude à piloter des véhicules à pétrole, extension des motocycles aux voitures automobiles», appellation qui lui valut quelques désagréments sur ses vieux jours, lors de contrôles par de jeunes gendarmes. Il disposait dans le même portefeuille d'un laisser-passer en allemand l'autorisant à franchir la ligne de démarcation, il ne s'en est jamais servi de mon vivant). Passer en code, donc, pour éblouir le lapin jusqu'à l'hypnose. Il suffisait alors, selon ses dires, de s'arrêter sagement, sortir sans claquer la portière pour ne pas éveiller les soupçons du lagomorphe promu civet, et de le cueillir par les oreilles, ça marche à tous les coups. Sauf les coups où mon père a essayé, forcément, le surgissement de la proie provoquant un réflexe d'évitement qui finissait
Helsinki, 23 h 30 : l'été finlandais de Christophe Bourguedieu (fin)
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publié le 22 juillet 2000 à 2h31
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