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Grand-père Braquage Ne jamais rire des révolutions avortées

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par Frédéric H. FAJARDIE
publié le 24 juillet 2000 à 2h31

Il cheminait d'un pas lourd dans cette large rue triste du nord de Paris où les vapeurs d'essence des poids-lourds donnaient un délicat tremblé aux choses. Habituellement, la rue de Flandres lui faisait songer à L.F. Céline vers 1914 défilant à cheval sous le casque à plumet et cette cuirasse qui donnait aux cavaliers français l'aspect de scarabées pathétiques et vulnérables.

L'homme, âgé de 84 ans, se sentait mal. La nostalgie du temps passé le paralysait, les bilans accentuaient son envie de dire adieu à tout cela, les femmes, les gosses, les petites suées des instants d'action, bref, cette adorable et détestable planète bleue.

Il avait commencé les braquages... voyons... Comment s'étaient articulés les événements? Tout commença en 1936, lorsqu'il partit comme volontaire dans l'artillerie de la République espagnole. Puis la guerre 39-40, la Résistance et le premier braquage de banque, en 43, à Périgueux ­ pour la bonne cause.

Et la Libération, la déconfiture, les espoirs battus en brèche avec le retour des politiciens de la IIIe République. Amertume.

La raison pour laquelle il avait été un des rares adultes à ne pas se moquer des jeunes gens de 1968 avec leur mini révolution ratée, l'arrogance pompidolienne, la multiplication des infects flics sur les trottoirs du Quartier latin. On ne devrait jamais rire des Révolutions avortées, pas plus que des chagrins d'amour.

Amour... Nicolas, son premier fils, en était mort. Après avoir rejoint les guérillas, et vécu une passion avec une