Leila était allongée. Sur le ventre. Wilfrid, sur le dos, lisait. Ce soir, tradition estivale, ils étaient invités au barbecue du sous-préfet, et Wilfrid, que le maigre fonctionnaire présentait chaque fois comme un «banquier parisien», devait tenir son rang devant les invités. Bien sûr, à Bagnolet, son chef d'agence refusait toujours qu'il passe au guichet, en le laissant végéter aux écritures, mais, ici, qui pouvait le savoir? Alors, il s'était acheté quelques solides ouvrages de géopolitique pas d'erreur, il s'en vendait chaque été des centaines de mille et s'en imbibait les neurones avant de se soûler scientifiquement
avec la sangria de la femme du sous-préfet. Ou le contraire.Leila était heureuse de voir qu'ici, au soleil, Wilf' reprenait goût à la vie. C'est l'humour de Wilfrid que Leila avait apprécié en premier. Ensuite, ce fut sa grande culture livresque. Et puis le reste aussi. Là, elle pouvait juste constater que Wilf' semblait vraiment prendre un grand pied en appréhendant, petit diplomate consciencieux, la difficile question kurde ou les méandres du terrorisme islamique. Ce soir, c'est sûr, il allait encore briller devant la bonne société, et Leila, satisfaite, coulerait vers lui des regards de biche alanguie, comme pour dire: «On ne touche pas à Wilfrid, c'est mon homme.» Un ange passa, comme d'habitude, les ailes salement alourdies par de stupides idées de stupre. Seulement Wilf' s'était assoupi comme un merlan, alors Leila se leva. Et partit discuter avec l