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Libération

Transpirer.

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publié le 9 août 2000 à 3h18

On voudrait être comme ça: sec, «intranspirant» comme il est des intransigeants. D'ailleurs, on se rêverait plutôt Giscard que Barre, Clint Eastwood que Depardieu, Djamel Bourras que David Douillet. On aimerait contrôler tous les flux, ne rien laisser sourdre qui ne soit filtré, décanté. Sauf qu'en été, ça dégouline. Il n'est plus question de sueur salariale, de sudations sportives, ou de suées amoureuses: on fond en sueur comme d'autres en larmes, sans rime ni autre raison que celle d'un coup de chaud permanent. Ça vient sans prévenir, un genre d'énurésie qu'on tamponne à coup de Kleenex, qu'on essore à l'aide de mouchoirs à carreaux. Et ça vous renvoie à des temps anciens et humains, des temps sans ombre et sans clim', où l'on s'aimait en pue-la-sueur parce que le travail n'avait pas encore été désodorisé par le chômage et le loisir, parce que le réel n'avait pas encore été désinfecté par le Net. C'était le temps béni des aisselles poilues et odorantes, des auréoles comme des marées de sel dans le dos, et des corps glorieux d'avoir sué sous le burnous ou en dansant le guilledou, et qui s'en fichaient des fraîcheurs lavande et autres grandes claques aux petites mauvaises odeurs.

Sauf que transpirer, on est CONTRE. C'est politiquement injustifiable, antisocial, aristo-toc, tout ce que vous voulez, mais on est contre. On veut bien que le corps exulte, pas qu'il exsude. Il peut bien bâfrer et boire, bondir et bander, il est hors de question qu'il se liquéfie. Et c'est comme un