«Monsieur, je suis actrice!», répète Armande dans ce court roman des Goncourt exhumé par Mireille Dottin-Orsini. Ce petit livre négligé par la critique relève de la «physiologie», genre que le siècle avait mis à la mode dès les années 1830. Après la lorette, les jumeaux des lettres s'attachèrent au portrait de la «comédienne». Car, de Rachel à Sarah Bernhardt, l'actrice a été la grande passion du XIXe et le théâtre la voie royale de légitimation littéraire que tentèrent les deux frères. Les Goncourt, qui donnèrent aussi dans la chronique théâtrale, fréquentèrent tôt les coulisses, fascinés par la cold-cream, la poudre de riz, les jupons et la rondeur des épaules. Publié en 1856, les Actrices visait un vaste projet, celui d'un roman sur le milieu du théâtre, gravitant autour d'une de ces comédiennes aux pieds desquelles rampait le Tout-Paris des Premières. Les Actrices est le récit des débuts d'une ingénue au nom prédestiné: Armande. Débuts provinciaux, entre auberge borgne et salle minable avec la collection complète de tous les types de ringards à deux sous que l'époque a multipliés. Les Goncourt n'ont pas raté leur casting. Car cette collection de comédiens ambulants grandiloquents ou résignés à jouer les seconds rôles est dirigée par un directeur dont les propos sont du pur Michel Audiard. Reste qu'Armande ravit son public. «Tout en elle était contresens, et tout en elle était ensorcellement! [...] C'était délicieux d'inintelligence; c'était délicieux d'émotion: la belle
Critique
La belle et la bête
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publié le 11 août 2000 à 3h22
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