Il y a quelques années, lors d'un fructueux dîner aux chandelles, nous nous étions justement emportés contre un pitoyable exercice. Il s'agissait, et l'affaire fit alors le tour du pays, de ces malandrins qui subtilisaient des nains de jardins pour, soi-disant, les relâcher en forêt. Ambition de dindon car pour nous, déjà, et en accord avec notre oncle le Grand Vicaire Buster, «un bon nain de jardin [était] un nain de jardin mort». Et que libérer des vieilles barbiches blanches et moisies était un non-sens absolu. Dire qu'à l'époque ce positionnement quasiment éthique fut suivi serait mentir. Trop d'intérêts économiques en jeu, vraisemblablement.
Quelle ne fut donc pas notre surprise, fort agréable, de découvrir, sur la noble plage des Aresquiers, un groupuscule qui pratique systématiquement, et depuis les beaux jours, la désintégration des gnomes d'agrément qu'ils kidnappent sans autre forme de procès. Il suffit, nous ont-ils expliqué doctement, d'un solide poteau d'exécution, et d'un peu de ce bois d'arbre que la mer rejette parfois puis que le soleil sèche avec ardeur pour faire brasero. Attacher solidement le nabot de céramique, sans céder à ses piaillements de soprano hystérique, est une opération rapide, puis mettre le feu au joyeux bûcher devient vite jouissif, à l'oeil plus qu'au nez. Car voir fondre les couleurs hideuses des nains à bonnet, procure comme un sentiment de bonheur, jusqu'à l'émiettement ultime de ces horribles personnes de petite taille et de grande inu