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Père Zonzon. Zinzin, le zigue.

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Sur le principe du jeu des 7 familles, les éditions Baleine ont proposé à 42 auteurs d'écrire une nouvellle. Nous en publions une par jour.
par José-Louis BOCQUET
publié le 16 août 2000 à 3h26

Par ici, tout le monde l'appelait le père Zonzon. Pour moi, Zonzon, c'était comme pour dire toc toc. Dans le Sud, ils disent bien zinzin. Je croyais que c'était notre façon de le dire, à nous. Un gars qui n'a pas tous ses esprits, il y en a dans tous les villages. Parce que c'était vrai qu'il était zinzin, le père Zonzon. Des fois, quand on descendait du car scolaire, nous les gamins du village, on trouvait le père Zonzon à ronfler près du tas de sable des cantonniers. A l'heure de l'apéro du soir, il cuvait encore celui du matin. On le réveillait en lui enfilant des gendarmes ou des carabes dans les narines et les oreilles. Il ouvrait toujours les yeux brusquement, mais comme sans nous voir, et il beuglait «oui, chef!». Ça nous faisait tous bien rigoler qu'il nous appelle chef. On ne comprenait pas pourquoi mais de toute façon, il était complètement zonzon. Tout le monde le savait.

Quand il était jeune, le père Zonzon était couvreur. Un bon métier, il y a souvent des tempêtes par chez nous. Mais un métier dur, il y a des risques. La pente d'un toit est calculée pour que ça glisse bien, la pluie, la grêle, les feuilles mortes, les parachutistes.

De là-haut, on voit le monde autrement, il paraît. Je ne sais pas. Je n'ai jamais dépassé l'échelle de notre grange, et encore, pas souvent, parce que je suis tombé une fois et depuis j'ai peur. Le père Zonzon aussi était tombé. Une seule fois aussi. Mais de vingt-cinq mètres. Il avait atterri sur les mains. Des années après, on voyait