Zyeux bleus. Trois dents. Des cheveux noirs comme un cachot ; clairsemés comme des jours de parloir. Sur son cul rembourré Pampers, elle essaie de faire entrer un cube rouge dans un trou bleu. Vachement concentrée, la bave aux lèvres, le sourcil froncé. La géométrie dans l'espace c'est dur, et ça fatigue. Du coup, elle se laisse tomber en arrière et se met, les yeux au plafond, à déclamer un théorème trapu que personne n'est en mesure de comprendre ni de démontrer. Puis elle sourit à sa mère à l'envers qui lui dit des mots d'amour, des choses idiotes que la petite écoute en battant des cils, une main tendue vers le visage penché sur elle.
Ça dure un moment. La mère et la fille communiquent en un mystérieux sabir roucoulant de sourires. Elles se touchent. Les mains jouent aux oiseaux. La petite s'appelle Chloé. Sa mère répète ce prénom, parmi le babil et les douceurs, sans raison apparente.
Des femmes se parlent. Des enfants pleurent, rient, toussent. Un petit garçon est assis au coin de la fenêtre et tapote du doigt la surface froide de la vitre. Au-dessus de lui un grand rectangle de ciel découpé par le bâtiment d'en face. Bleu, rayé de noir. Tranches d'azur débitées par les barreaux. Sans doute le gamin ne voit-il pas, contre cette clarté qui l'éblouit, la toile d'araignée du dispositif anti-hélicoptères. Une jeune femme décharnée vient s'accroupir tout près de lui et lui montre un nuage à tête de chien. Le petit ne regarde pas. Il fixe l'éclat mouillé des yeux où tremble to