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Libération
Critique

Bombes des sables

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publié le 26 août 2000 à 3h42

Albert Cossery

«Une ambition dans le désert»

Ed. Joëlle Losfeld (Arcanes), 222 pp. 60 F.

Il y a quelque chose de pourri dans l'émirat de Dofa. Qui peut avoir eu l'idée saugrenue de poser des bombes dans ce confetti de royaume dédaigné même par «la grande puissance impérialiste» tant il est démuni ? A quoi bon renverser un pouvoir pauvre comme Job ? A quoi bon cet espoir insensé de soulever une population écrasée par la chaleur et la pauvreté, dont l'unique préoccupation est de «siester» en paix ? C'est bien ce qui turlupine Samantar, oisif professionnel, jouisseur et philosophe. Car lui seul a compris le danger de cette misérable campagne d'attentats, aussi peu crédibles que rationnels : plutôt que de renverser un pouvoir fantomatique, ils risquent de réveiller le despote qui sommeille dans le cheikh Ben Kadem, Premier ministre et cousin de Samantar. Et alors, adieu la belle vie, la liberté, la paresse ! L'avant-dernier livre d'Albert Cossery n'était quasiment plus disponible. Lacune réparée et, surtout, occasion de redécouvrir cette fable cruelle et dérisoire ­ à bien des égards prémonitoire quand on sait ce qu'il est advenu du Golfe ­ sur la cupidité des hommes et leurs chimériques ambitions. Cossery, voyageur immobile de Saint-Germain-des-Prés, dandy indolent de la rive gauche, y livre au détour d'une phrase le secret de son intarissable bonheur de vivre. «La conquête d'un empire ne vaut pas une heure passée à caresser la croupe d'une jolie fille assoupie sous la tente dans