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Libération

3e étape. Broome dans les poussières de nacre.

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publié le 12 septembre 2000 à 4h16

De Broome à Derby, la route sentait la charogne. Ici, les lézards sont rêveurs, les vaches stupides et les kangourous, dans la lumière des phares, jaillissent comme des marsouins dans l'étrave d'un bateau. Les voitures tentent de les esquiver, mais les road trains, ces camions qui traînent parfois assez de remorques pour que les doigts d'une main ne suffisent à les compter, ne s'arrêtent jamais. Dans leur sillage se dessèchent les cadavres. S'éloigner sur une piste avait été un soulagement. Les éoliennes cliquetaient dans le vent, et les baobabs, troncs de lutteurs de foire et branches de contorsionnistes, tendaient au ciel d'étranges silhouettes.

C'est là, dans un sable aussi soyeux que de la farine, sans un bruit, pas même un soupir, qu'une roue de la voiture s'était déchirée. Pas le temps d'imaginer le pire : une autre crevaison, dix heures de marche à pied avant de retrouver l'asphalte et une bouteille d'eau déjà entamée, chaude à y infuser des feuilles de thé. Sur le chemin, poursuivi par des volutes de poussière, avait surgi le pick-up de John James. Une tignasse de crin, trois dents et assez de corne aux pieds pour marcher sur du verre pilé, il s'était arrêté pour s'enquérir de ces deux étrangers et les interroger sur les raisons de leur présence. Il n'avait bien sûr pas prononcé un seul mot. D'un sourcil relevé, il avait posé sa silencieuse question. Depuis vingt-deux ans, John James vivait en solitaire sur ses terres avec 6 000 têtes de bétail. A l'occasion, il écriv