Sans doute avait-il la tête fragile. Depuis une heure, au centre de Darwin, sous ces arbres où mille oiseaux offrent au soleil qui s'en va une bruyante sérénade, grand-père expliquait combien il avait apprécié les Jeux olympiques qui venaient de se dérouler en Australie. Bien sûr ! Il connaissait Cathy Freeman, cela dit la championne du 400 mètres ne pouvait pas participer aux Jeux. Trop loin de Sydney ! Mais grand-père avait toute sa tête et un vrai plaisir à se payer la mienne. Les Black Olympics existent depuis près de quarante ans, dans un village de sable et de murs effondrés qui a pour nom Yuendumu. L'alcool y est interdit, le sport encouragé.
A l'origine, il ne s'agissait que de matchs de football australien entre différentes équipes du Territoire du Nord. Mais rapidement des communautés entières prirent la route pour Yuendumu qui, de 700 âmes, se retrouva submergé par 5 000 sportifs et supporters. «Depuis très longtemps de tels rassemblements d'Aborigènes n'existaient plus. Les anciens ont compris que le sport pouvait à nouveau réunir nos frères...»
Au football vinrent s'ajouter le softball, le basket, l'athlétisme et le lancer de bambou. «Il fallait que les plus vieux ne soient pas exclus, et, au javelot, je suis encore capable d'embrocher un kangourou.» Celui utilisé comme cible à Yuendumu est de paille, mais cela ne diminue en rien l'ardeur des hommes en compétition qui, à la nuit tombée, quand le désert se fige, se retrouvent pour partager leur histoire. Les femme