Sydney est coupé en deux. Pas par le Harbour, la Baie, qui transperce la métropole de l'océan Pacifique à la Paramatta River. Mais par une frontière invisible, qui traverse le coeur du public: d'un côté il y a les amateurs du rugby à XV ; de l'autre, les fous de jeu à XIII. Le Sydney Morning Herald, le grand quotidien local, sépare ses pages Sports entre le people's game, le XIII, et le heaven's game, le jeu né au paradis, le XV.
Sydney a conservé les clivages hérités de l'Empire britannique. Bagnards et gentlemen. Collèges privés et écoles publiques. Establishment et nouveaux émigrés. Dans la ville, cette guerre des classes s'exprime sur deux terrains : l'immobilier et le rugby.
Le sport de l'establishment, c'est le XV, implanté en Australie dès la fin du XIXe siècle. Les joueurs sont amateurs, prétendent jouer pour le plaisir. Jusqu'en 1907. Un rugbyman, blessé, demande une compensation. La fédération refuse. Les joueurs font sécession. Comme leurs camarades ouvriers du nord de l'Angleterre, ils créent une nouvelle ligue, professionnelle, et adoptent les règles révolutionnaires du XIII.
Rue contre rue. Le XV va rester l'apanage des collèges privés, des beaux quartiers du bord du Pacifique, des étudiants de l'université de Sydney. L'équipe nationale, les Wallabies, commence à écrire son épopée. Mais, localement, les matchs n'attirent qu'une poignée d'initiés.
Les prolos du XIII, eux, revendiquent leurs origines ouvrières, leur crédibilité populaire. Leur professionnalisme. Les