Le corps serait devenu «un brouillon à rectifier»?
Nos sociétés ne considèrent plus le corps comme un destin, une souche identitaire radicale, mais plutôt comme une matière première, un accessoire de la présence, une forme à mettre en scène ou à reconfigurer. La fragilité du corps, sa vulnérabilité à la maladie, au vieillissement, deviennent intolérables. La volonté de puissance de nos sociétés aujourd'hui ne les accepte plus. D'où l'émergence de ce discours néognostique d'une frange radicale de la technoscience qui entend reconstruire ce corps afin de le rendre enfin efficace, performant, durable. Des généticiens affirment que bientôt les maladies auront disparu. Et on rêve de coupler l'informatique et la chair, en attendant de se débarrasser de la chair. Il y a une surévaluation religieuse de la technique comme instrument de sauvegarde du monde.
Y a-t-il un «projet» d'amélioration du corps humain?
Il y a une convergence implicite de la volonté de modifier le corps au niveau «artisanal», dans toute une série de pratiques aujourd'hui courantes : culturisme, chirurgie esthétique, psychopharmacologie comme mode de gestion de l'humeur, médecine génétique ou cyberculture. A défaut de contrôler son existence dans un monde de plus en plus insaisissable, on contrôle son corps. Ce premier niveau est celui d'un sentiment d'inachevé dans le rapport au corps. Deuxième niveau: celui d'un corps perçu comme brouillon à améliorer. On entre dans la technoscience, ou plutôt dans l'un de ses cou