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Libération

Modifier son corps

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L'horreur esthétique
publié le 16 septembre 2000 à 4h28

«Ce qui se passe, c'est que nous nous voyons comme des oeuvres d'art inachevées. Nous passons de plus en plus de temps à corriger, à améliorer notre corps. Nous sommes toujours en formation, jamais finis», s'alarme Jeremy Rifkin. Si on en croit l'économiste et militant environnementaliste américain, ou encore l'anthropologue David Le Breton, le très écolo dicton «Un esprit sain dans un corps sain» qui avait résisté à 2000 ans de civilisation judéo-chrétienne est en train de se faire remplacer par le nettement moins cool: «Un esprit parfait dans un corps parfait.» Que l'homme, et la femme, aient toujours eu le désir d'améliorer leur apparence physique, c'est une évidence. Sauf qu'entre le paléolithique et les années 50, on avait vu peu de progrès: du rouge à joues, des boucles d'oreilles, quelques tatouages, et voilà.

Mais, depuis quelques années, tout a changé. On a commencé à se faire refaire le nez, à prendre des anxiolytiques pour se détendre et du Viagra pour assurer. Un traitement antihypertension a été récupéré (légalement) pour lutter contre la calvitie, et un traitement antiacné pour ralentir l'apparition des rides. Pendant que l'hormone de croissance et la testostérone étaient adoptées (illégalement) par les body-builders et autres coureurs pour se fabriquer une musculature d'athlète. Que certaines de ces pratiques soient illusoires ou dangereuses ne change rien: il est devenu extrêmement suspect de laisser son corps en friche. Notre corps est devenu une matière prem