Le mot illettrisme, trop souvent utilisé, n'est pas opérationnel. Il charrie toutes sortes de fantasmes, d'images, de conceptions réductrices et parfois terrifiantes. C'est un mot qui stigmatise, désigne, ne respecte pas les personnes concernées. Il est associé à la misère, au mal-être, aux angoisses qui taraudent la société. Je lui préfère depuis près de vingt ans l'expression «savoirs de base». Ceux-ci correspondent aux outils nécessaires à un adulte moyen, dans sa vie personnelle et professionnelle, dans une période et un lieu donnés.
Au-delà de la lecture et de l'«écrit», terme fort vague, il s'agit encore de savoir compter ou calculer (l'euro nous le rappellera avec force prochainement), d'appréhender les repères du temps et de l'espace et, sans doute surtout, de raisonner, établir des liens, combiner des points de vue, à transférer les savoirs acquis d'un domaine à un autre.
La plupart des personnes maîtrisant mal ces savoirs de base travaillent et n'ont pas de problèmes particuliers. Cette perception biaisée du phénomène a des répercussions directes sur les remédiations pratiquées. Les formateurs, confrontés à des personnes en difficulté, se contentent d'objectifs trop modestes, avec des formations qui se bornent parfois à apprendre aux gens à remplir des feuilles de Sécu ou à lire les instructions de leur machine, vite fait bien fait. Les gens qui ne maîtrisent pas les savoirs de base méritent beaucoup mieux que ça, ils ne sont pas idiots! La vie les a obligés à acquér