Depuis une vingtaine d'années, la bioéthique connaît un essor spectaculaire qu'on lit dans les prises de position de scientifiques, philosophes, juristes, et dans les textes de lois qui s'en inspirent. Elle s'évertue à appréhender les bouleversements que les nouvelles techniques de reproduction et de dépistage prénatal font subir aux notions mêmes de procréation, de filiation, de normalité. Louise Brown, le premier bébé-éprouvette, est née en 1978. Elle avait donc déjà 21 ans lorsque les projecteurs se sont concentrés, en 1997, sur l'annonce d'une autre naissance britannique, celle de Dolly, la brebis clonée. Un consensus international a aussitôt condamné, au nom de la diversité et de la dignité humaine, toute application à l'homme de cette reproduction par clonage. Mais plusieurs déclarations étaient faites «dans l'état actuel des connaissances». Pour éclairer un tel hiatus entre les principes invoqués et leur caractère explicitement provisoire, on propose de regarder la bioéthique comme un processus discursif d'intégration anticipée, une sorte de «jardin d'acclimatation» dans lequel les condamnations ne remplissent fondamentalement pas d'autre fonction que les commentaires favorables aux innovations concernées. La con damnation de la dernière avancée biologique en date va de pair avec l'intégration d'une avancée précédente. L'innovation naguère scandaleuse, devenue pratique injustifiable, est d'ailleurs parfois, dans ce processus d'acclimatation, le socle même sur lequel
L'historienne: Le jardin d'acclimatation des novations scientifiques.
Article réservé aux abonnés
par Nadine FRESCO
publié le 16 décembre 2000 à 8h13
Dans la même rubrique
TRIBUNE