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Vivre éthique. La philosophie sort du boudoir.

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Doctrine du XXIe siècle ou label de bonne conscience? L'éthique est aujourd'hui partout, dans les entreprises, laboratoires, séminaires, et discours. Tout le monde s'en empare au risque de la dénaturer.
publié le 16 décembre 2000 à 8h13

«Acheter éthique, parler éthique, placer éthique, gouverner éthique... Etre éthique ou ne pas être, c'est l'injonction contemporaine. Ce qui n'est guère gênant tant que cela ne dispense pas de s'engager davantage dans la réflexion morale», constate la philosophe Monique Canto-Sperber (1). Désormais, au nom de la recherche scientifique, le biologiste ne peut décider seul de fabriquer des clones humains, ni de faire souffrir un animal de laboratoire. Au nom des lois de l'économie, l'industriel ne peut piller la forêt amazonienne et transformer ses richesses à moindre coût dans les pays du tiers monde. Au nom de la modernité, l'automobiliste ne peut continuer, sans se soucier, à trouer la couche d'ozone; ni l'adolescent, succomber aux marques sans s'intéresser à la fabrique. Chacun doit prendre la mesure morale de ses actes. Savoir s'il participe au Bien ou au Mal.

L'interrogation est sortie des boudoirs de philosophes, elle a envahi les cafés, les laboratoires, les entreprises, les rayons des libraires. L'éthique «se développe partout dans le monde. Et puisque les nouveaux problèmes surgissent avant que les anciens ne soient réglés, les réflexions éthiques connaissent une conjoncture excellente dont n'importe quel homme politique en charge de l'économie peut envier la stabilité et la durée», s'amuse le philosophe allemand Otfried Höffe, auteur du Petit Dictionnaire d'éthique, Cerf, 1993. L'éthique sera-t-elle la science incontournable du XXIe siècle ou deviendra-t-elle un simpl