Si l'on veut parler en toute bonne conscience de la nécessité de lutter contre l'immigration clandestine, mieux vaut en rester au stade des statistiques froides et de l'abstraction. Car la réalité est noire. C'est elle que nous donne à voir le remarquable reportage que Marie Dorigny a effectué pendant plusieurs mois aux frontières de l'Europe de Schengen. Des frontières qui sont censées protéger la majorité des pays de l'Union européenne de flux migratoires réputés insupportables.
Les photos que nous publions aujourd'hui ne rendent compte que des épreuves et des humiliations subies par les dizaines de milliers de clandestins qui échouent dans leur tentative avant de récidiver. Mais, pour un clandestin intercepté, on estime à trois le nombre de ceux qui passent au travers des mailles. Autrement dit, en une année, ce sont plusieurs centaines de milliers d'Afghans, de Tamouls, de Chinois, de Kurdes, de Roumains, d'Ukrainiens, de Bulgares, de Kosovars qui franchissent les barrages.
C'est dire que l'entreprise qui consiste à les refouler est aussi vaine que celle menée dès les années 50 par les Etats-Unis pour sceller leur frontière avec le Mexique, et dont des photos nous reviennent soudain en mémoire. Seule différence: les clichés de Marie Dorigny montrent la même détresse de candidats à l'exil recalés mais témoignent sans doute d'une obstination et d'un entêtement infiniment plus grands que ceux des wet backs mexicains. Quel défi pour une Europe habituée à se voiler la face et à