Marie Dorigny, 41 ans, journaliste et photographe à l'agence Sipa, a notamment enquêté sur le travail des enfants (1). Depuis trois ans, elle se consacre à une série de reportages sur les trafics d'êtres humains.
Pourquoi les filières de l'Est?
C'est en photographiant les clandestins chinois à Paris pour une enquête sur l'esclavage moderne que j'ai réalisé l'importance de cette voie de passage. Les témoignages de ces immigrants ou les lettres qu'ils portaient sur eux évoquaient le périple de plusieurs mois qui les amenait en France par cette filière terrestre. Mon idée était de montrer comment l'Europe tente de protéger ses frontières et en même temps l'absurdité de cette politique, car nous sommes ainsi en train de fabriquer une population de milliers d'errants qui vont de camp de rétention en camp de rétention, de frontière en frontière, tant qu'ils n'auront pas réussi à passer. Ces gens ont tout abandonné derrière eux. Ils tenteront le passage jusqu'à ce qu'ils réussissent. Un tel reportage impliquait une longue préparation. J'avais des contacts au sein de l'ex-Dicilec (Direction du contrôle de l'immigration et de la lutte contre l'emploi des clandestins, remplacée depuis par la PAF, ndlr), qui m'ont aidée à entrer en relation avec leurs homologues d'outre-Rhin, de République tchèque, de Pologne, de Slovaquie ou de Hongrie. Il m'a fallu plus de trois mois pour repérer les lieux les plus significatifs et obtenir les autorisations nécessaires. Ensuite, j'ai enchaîné les repor