Jacques Lacan portait le noeud papillon, fumait le cigare torsadé et parlait avec quelque emphase. A Paris, à la fin des années 50, on rencontrait beaucoup de jeunes psychanalystes en noeud papillon, cigare à la main. Dans l'Amour des commencements (1), Jean-Bertrand Pontalis raconte comment son «malheureux ami Jean-Pierre, coeur simple et tête déplumé, se ruinait chez Carita, parce que, disait la rumeur, Lacan s'y faisait modeler la crinière !». Depuis, l'école lacanienne a perdu de sa superbe, le noeud papillon et le cigare n'ont plus guère cours dans les congrès de psychanalystes. Seuls les tics de langage demeurent. «Je vois encore certains collègues, passés par Lacan, qui, à leur insu, continuent de l'imiter, en reprenant ses intonations et sa façon de jouer sur le suspens.»
Figure de la psychanalyse française depuis quarante ans, le compagnon des débuts parti lors de la scission de 1964, a aujourd'hui 76 ans. Dans son petit bureau des éditions Gallimard, où il dirige deux collections, «Connaissance de l'inconscient» et «L'un et l'autre», il continue de fumer des Benson and Hedges et, derrière ses lunettes arrondies, il aime sourire à l'évocation de Lacan. «Ce n'est qu'un point de vue, le mien», précise-t-il. Professeur de philosophie de formation, il aurait pu tout aussi bien devenir un lacanien pur et dur. Lorsque, au début des années 50, il décide de bifurquer vers la psychanalyse dite didactique (c'est-à-dire de formation) et cherche avec qui entamer son analyse, il