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Rastaman Médiation

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Dans la Jamaïque des années 70, l’affrontement politique vire au massacre organisé. Marley tente de réconcilier les rivaux.
par Thibault EHRENGARDT
publié le 9 mai 2001 à 0h49
(mis à jour le 9 mai 2001 à 0h49)

La Jamaïque des années 70 est à l’image de la belle Vérone de Shakespeare, où deux maisons égales en dignité règnent dans la haine et la violence : le People’s National Party (PNP, socialiste) et le Jamaicain Labour Party (JLP, libéral). En 1972, en pleine guerre froide, l’élection du socialiste Michael Manley aux portes de la citadelle du capitalisme réveille la peur rouge. Chaque ruelle du ghetto devient l’enjeu de la course au pouvoir. Au milieu de cette folie fratricide, une voix s’élève. Posée sur des rythmes reggae qui font danser la planète entière, déchirée, viscérale, c’est celle de Bob Marley.

Insoumis. En 1971, à l'époque où le chanteur s'apprête à sortir son premier 45 tours chez une multinationale (Reggae on Broadway, CBS), la Jamaïque achève neuf ans de règne JLP qui n'ont apporté que rancoeur et désillusion. Pour les jeunes campagnards échoués dans les bidonvilles, la musique est devenue l'exutoire de la frustration ; Bob Marley et ses Wailers glorifient les rudies (mauvais garçons), exemples d'insoumission sociale. Comme beaucoup d'artistes, le chanteur se réfère aux valeurs des rastas, ces barbus mystiques et séditieux que la répression aveugle du JLP a transformés en martyrs. Michael Manley, messie du changement social, bâtit sa légende sur une rhétorique politico-religieuse gonflée d'idiomes rastas et la musique se fait l'écho de ce vent nouveau. Chansons reggae à l'appui (1), le PNP mène campagne : Michael Manley lui-même enregistre un discours sur un ryth