Moscou de notre correspondante
En 1992, elle avait été rebaptisée «Bibliothèque d'Etat de Russie», mais tout le monde continue à la nommer la «Leninka», raccourci de «bibliothèque Lénine». En ses entrailles, la librairie recèle de nombreux trésors datant de bien avant la parenthèse communiste: d'antiques manuscrits chinois, des ouvrages ayant appartenu à la famille impériale des Romanov... et une collection érotique non encore cataloguée, oeuvre d'un ex-bibliothécaire de l'université d'Etat de Moscou, tombée dans l'escarcelle de la bibliothèque en 1948 par le biais des services secrets soviétiques.
Un ou deux tampons. Avec le règne de la censure, les mises à l'index de la bibliothèque étaient nombreuses, et toutes rassemblées dans un spetskhram (une réserve spéciale), qui s'est ouvert au public dès les débuts de la perestroïka en 1988. «On l'avait volontairement installé très loin de tout», se souvient Nadejda Ryjak, bibliothécaire depuis 1976, aujourd'hui en charge du département des publications russes à l'étranger.
Mise en place par les fonctionnaires du Glavlit (1) sur décision du Conseil des ministres de 1924, la censure décidait du type d'accès au public des ouvrages. Plusieurs dizaines de milliers de livres comportant la griffe du censeur (un petit tampon octogonal avec un numéro à l'intérieur, celui du censeur) sont encore placés sur les kilomètres de rayonnages des réserves, mais leur accès est libre. Pêle-mêle, on y trouve Soljenitsyne (deux tampons, le maximum), mais