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Les maîtres changeurs de Viipuri

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Dans cette ville-frontière russe où se pressent les Finlandais, peu importe la monnaie tant que les devises rentrent.
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publié le 3 janvier 2002 à 21h34

La place du marché de Viipuri est pratiquement déserte. Il gèle à pierre fendre et le vent du nord souffle si fort que la plupart des vendeurs sont restés chez eux. A l'aide d'une interprète, nous présentons des images d'euros à trois vieilles Russes derrière leur étal. Tamara, Raija et Maria n'ont pas la moindre idée de ce que signifie le passage à la monnaie unique et ce sont elles qui posent les questions: «C'est vrai qu'on ne pourra plus conserver nos markkas?», «Combien font 100 markkas en euros?»

Les grand-mères ne doutent pas que les changeurs de devises leur diront en temps voulu ce qu'il convient de faire. Le plus important, c'est que les Finlandais continuent de venir leur acheter des canneberges, des brosses et des chaussettes en laine. L'euro n'inspire pas encore confiance à Viipuri. Tant les changeurs que les citadins ordinaires disent attendre de voir si c'est une monnaie à prendre au sérieux. Si sa valeur reste stable, il se peut qu'ils en stockent. Mais, ici, ceux qui ont les moyens d'épargner le font en dollars. Les grand-mères du marché, elles, échangent immédiatement leurs marks finlandais contre des roubles, au noir. Elles en ont besoin pour vivre.

Il n'est pas difficile de trouver des changeurs illégaux à Viipuri. Dans un café, un groupe d'hommes est assis à une table. Pour Nikita et Serguei, l'automne et l'hiver sont la haute saison du commerce illégal de devises. A l'approche du nouvel an, leur activité redouble: il faut de l'argent pour les cadeaux à la