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Libération
Série Les mille et une vies d'Alexandre Dumas (2/6)

«Comment d’Artagnan a sauvé mes parents»

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Du ghetto de Varsovie à l’exil en Ouzbékistan, de l’Afghanistan à Ramallah... il y a toujours des mousquetaires sur le chemin du conteur Marek Halter *.
publié le 16 juillet 2002 à 0h25

En prélude à sa panthéonisation de l’automne, nous entamons une haie d’honneur au romancier mirifique Alexandre Dumas. Toute la semaine, ce feuilleton journalistique évoquera, sous les plumes de Gonzague Saint-Bris, d’Alain Pons, de Claude Schopp, de Marek Halter et de rédacteurs de «Libération» les hauts faits et la geste de l’écrivain français le plus célèbre au monde. 1 001 fantômes, histoires, livres, voyages, révolutions, festins, amours, morts, enfants et destins d’Alexandre le grand Dumas.

«Ecartez-vous, jeune homme... Sauvez votre peau. Allez,

vite !» Je racontais à la petite Sarah comment d'Artagnan refusa d'abandonner ses nouveaux amis Athos, Portos et Aramis, menacés par les gardes du cardinal. J'avais 4 ans, Sarah aussi, et j'étais amoureux d'elle. Pour mon anniversaire, mon grand-père m'avait offert une version abrégée et illustrée des Trois Mousquetaires. Je vis une lueur d'admiration dans les yeux de Sarah et je lui pris la main.

Nous étions dans la cave de notre immeuble de la rue Smocza à Varsovie. Dehors, c'était la guerre. Nous vivions les premiers jours du ghetto.

Cinq ans plus tard, réfugié en Russie, Staline nous avait expédiés en Ouzbékistan. Un million de réfugiés s'entassaient dans les faubourgs de Kokand, à l'orée du désert de Kara-Koum. La famine, la dysenterie, le typhus : mes parents sont tombés malades. «Trouvez du riz, me dit le médecin, sinon, ils mourront.» Ma petite soeur mourut de faim dans un centre d'hébergement. Je devins voleur pour survivr