Dielmo envoyé spécial
C'est le guérisseur qui n'est pas content. D'ailleurs, il a quitté le village, écoeuré. «Quand on s'est installés à Dielmo, ce village était maudit, se souvient le docteur Alioun Badara Ly. Les paysans des environs l'évitaient à la nuit tombée. Ils disaient que ceux de Dielmo faisaient de la sorcellerie, qu'ils tuaient leurs bébés.» Des bébés morts, des possédés qui entrent en convulsion ? Le paludisme, tout simplement.
Dielmo est un petit village de 300 habitants, à 280 kilomètres au sud de Dakar, tout près de la frontière gambienne. Les concessions sont espacées, bien à l'ombre sous les manguiers et les anacardiers qui ploient sous les pommes d'acajou. Quelques vaches aux longues cornes paissent une herbe rare, des poules faméliques sautillent entre les cases. En contrebas coule la Néma, qui procure de l'eau toute l'année mais a l'inconvénient d'attirer les moustiques. «C'est pour cette raison que nous nous sommes installés ici, résume Cheikh Sokhna, un épidémiologiste sénégalais qui suit le projet depuis le début. Le taux de paludisme y est l'un des plus élevés du Sénégal.» Un cas d'école : le premier dispensaire se trouvait à Toubacota, 10 kilomètres, le premier médecin à Sokone, 30 kilomètres. Pas de véhicule pour s'y rendre, sinon à dos d'âne ou en charrette. Jusqu'au «protocole».
Réticences. C'est en 1990 que l'Institut de recherche et de développement (IRD, organisme gouvernemental français), l'Institut Pasteur de Dakar et l'université Cheikh Anta