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Libération
Interview

«Moi, je n'ai aucune imagination, je regarde»

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Rencontre avec le photographe, obsédé de dessin, qui dit «pfft!» aux miroirs.
publié le 29 avril 2003 à 23h02

Il est assis près de la fenêtre, en apparence paisible, comme un chat qui ronronne. Il a son éternel blouson vert en daim, une chemise à rayures bleues avec des boutons de manchette offerts par la soeur de Nehru, et son foulard de cow-boy qui l'a rendu célèbre. Nous sommes le jeudi 13 mars 2003, il lit Libération, c'est son premier geste du matin, son péché mignon.

­ Bonjour Henri Cartier-Bresson, comment allez-vous ?

­ Provisoirement.

Tout est là, dans cette réponse directe qui signale son côté jupitérien, et son point de vue matinal sur «ce monde suicidaire, ce monde si fou, ce faux théâtre» dans lequel nous vivons. A 94 ans, Henri Cartier-Bresson n'a rien perdu de son mauvais caractère, de cette franche spontanéité qu'il s'autorise depuis toujours, de ces mouvements d'humeur, de ses colères d'enfant qui étonnaient sa mère. «Ma mère, c'est la Normandie ; mon père, la Brie. C'est pour ça que j'ai une gueule d'Anglo-Saxon. Dans mon enfance, oui, c'est vrai, je voyais la tour Eiffel de l'église de Chanteloup, en Seine-et-Marne, et j'ai même vu des uhlans, des cavaliers allemands, qui galopaient dans la forêt.»

De sa fenêtre qui domine le jardin des Tuileries, tout Paris est à ses pieds. Un panorama d'une beauté à couper le souffle, un grand privilège. A gauche, le Louvre et sa Pyramide, au loin, la tour Montparnasse, à droite, la tour Eiffel, juste en face le musée d'Orsay. Pissarro et Monet ont peint les Tuileries de cet immeuble, juste à l'étage en dessous, dans l'appartement d