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L'ergot est rapide

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publié le 7 août 2003 à 0h32

Prenez un coq. S'il vous en reste. On comprendrait que vous vinssiez à en manquer depuis le temps qu'on vous en réclame. Un vieux coq fera l'affaire, nous n'allons ni le manger ni le plaindre. Et si vous ne voulez pas vous défaire du vôtre, attrapez au vol quelque jau de passage, ici ou là sous la plume de nos meilleurs auteurs. On vous déconseille ceux de Richepin, ils vous chieraient dessus : «Regardez les vieux coqs jeune oie édifiante / Rien de vous ne pourra voler aussi haut qu'eux / Et le peu qui viendra d'eux à vous c'est leur fiente / Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux», ces coqs-là, que Brassens chanta, sont de trop haut vol. Prenez un coq chez Hugo, ils ne manquent pas et volent bien bas, le poète vous cédera volontiers un de ces «Vieux coqs de l'argument debout sur leur ergo» dont le nombre l'afflige. Cet ergo sans "t" n'est pas une faute d'orthographe, mais un jeu de mots dont le poète raffolait, cet ergo («donc», en latin) se moque des ratiocineurs qui se perdent en raisonnements, en considérations, en discussions interminables, ergoteurs patentés. Ce vers («Vieux coqs de l'argument debout sur leur ergo») est relevé parmi plus d'un millier d'un poème qu'Hugo publia en 1880 : l'Ane. Et alors ?, dites-vous. Alors rien. Mettons qu'on n'en demandait pas tant. Victor Hugo est vieux, il en a gros sur la patate, d'exil et de chagrin, d'injustice et d'incompréhension, il laisse son âne braire, de bien belle façon :

«Un âne descendait au galop la science