Juliette Binoche a un attachement particulier pour le Cambodge et a vu certains des films de Rithy Panh lors du dernier festival de La Rochelle. Elle a tenu à le rencontrer.
Juliette Binoche : Quel a été votre premier contact avec la France ?
Rithy Panh : Je me suis retrouvé à Grenoble, réfugié à quinze ans, j’avais froid et faim, j’étais perdu au milieu des montagnes.
J. B. : Et avant ?
R. P. : C’était le génocide là-bas. Avec ma famille, on a été déplacés de Phnom Penh par les Khmers rouges, vers une région de campagne reculée. Il n’y avait rien, pas de maison, pas de nourriture, et pas grand monde. Je me souviens du train qui nous a amenés là, des wagons fermés, et ce bruit saccadé si reconnaissable qui me transperce encore parfois, trente ans après. Je l’ai retrouvé au ciné-club de Grenoble en voyant Nuit et brouillard d’Alain Resnais. C’est pour ne pas oublier ce bruit que je fais des films aujourd’hui.
J. B. : La pauvreté peut-elle disparaître du Cambodge ?
R. P. : Il y avait de la misère au Cambodge avant le génocide, il y en a toujours aujourd’hui. Cela n’atténue en rien l’horreur du génocide, mais nous dit surtout que les pauvres payent très cher au Cambodge, quel que soit le régime. Le Cambodge n’est pas un pays où l’on meurt de faim, il y a des cultures, du riz, de la pluie. Pourtant, sous les Khmers rouges, les gens ont été décimés par la famine.
J. B. : Et votre famille ?
R. P. : Mes grands-parents étaient des pays