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L'«Espoir» manipulé

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On croit connaître un film, un scénario, une école de cinéma... On découvre une autre histoire.
publié le 9 août 2006 à 22h54

L'Espoir n'est pas qu'un roman, c'est aussi un film, adaptation d'un passage de son livre, qu'André Malraux a tourné entre juillet 1938 et janvier 1939 en Espagne. C'est du moins ce que nous croyions. A la Filmoteca, la cinémathèque de Madrid, il y a depuis 1996 une copie d'un film un peu différent qui s'intitule Sierra de Teruel, le titre sous lequel le romancier a présenté son film en 1939, à Paris, au gouvernement républicain en exil. C'est aussi sous ce nom qu'il fut interdit quelques semaines plus tard par le gouvernement d'Edouard Daladier et c'est ce titre que les Allemands cherchèrent pour en détruire les copies. La différence n'est pas qu'une histoire d'intitulé. Sierra de Teruel comporte trois minutes en plus, un autre générique et des intertitres différents. On y retrouve la dernière séquence du film, la plus célèbre, celle où les blessés républicains, transbahutés par des paysans, descendent d'une montagne vers un village, avec dix-neuf plans en plus. Surtout, le rythme de ce passage correspond à celui de la musique de Darius Milhaud qui le soutient. D'où un effet lyrique sacrifié dans la version que nous connaissions, dont la bande musicale est découplée des images.

Cette version a en effet été manipulée. En 1945, un distributeur décide de sortir le film qui n'a jamais pu être exploité. Il retrouve chez un producteur une copie qui a miraculeusement échappé aux nazis. Mais il estime que les intertitres y parlent trop de «milices». C'est certes