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Libération

Appétit du serpent

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publié le 24 août 2007 à 9h19

Comme ils se baladent rarement avec fourchette et couteau, et puisqu'ils se distinguent de toute façon par une absence notable de membres, les serpents en sont réduits à avaler tout rond leurs proies. Vivantes, bien souvent. Imaginez la rude vie du serpent d'eau à oeil-de-chat ( Gerarda prevostiana) qui ne se nourrit que de crabes. C'est un peu comme si vous profitiez d'un instant d'inattention de votre poissonnier pour gober tout cru un tourteau qui gigotait sur l'étal. «Et les huîtres, je vous les ouvre ?» demanderait le commerçant un peu pâle.

Pour le serpent mangeur de crabes, la réalité est en fait bien pire et bien plus favorable. Pire car les crabes qu'il consomme sont énormes par rapport à lui : la tête de ce serpent est dix fois plus petite que la carapace de ses proies (imaginez-vous plutôt en train d'avaler toute la caisse de tourteaux sous l'oeil chagriné des autres clients). Mais plus favorable aussi, car Gerarda prevostiana est la seule espèce de serpent - avec son proche cousin Fordonia leucobalia - qui sait réduire ses proies en morceaux avant de les avaler. Il s'enroule autour du crabe pour l'immobiliser, puis arrache ses pattes avec sa bouche et déchiquette le corps de la même manière. L'équipe qui, en 2002, a décrit la première ce curieux comportement a donné à la chose le joli nom de loop and pull. Les photos sont dans Nature (vol. 418, n°6894, p. 143).

Le serpent d'eau à oeil-de-chat, que les Allemands appellent