Menu
Libération

Des moeurs trop libres ?

Article réservé aux abonnés
Pascal Bruckner et Eric Fassin Animé par Eric Aeschimann
par
publié le 14 septembre 2007 à 9h38

Pascal Bruckner Ecrivain.

Par libération des moeurs, on entend deux choses distinctes : la levée, dans les années 60, des tabous qui pesaient sur la sexualité, mais aussi l'émancipation des ­femmes et des minorités. Ce double objectif a été partiellement accompli, du moins dans le monde occidental, d'autant qu'il s'est accompagné du triomphe de l'individu, maître et possesseur de lui-même, débarrassé de la ­tutelle sociale. Certes, ce ­mouvement a donné lieu à un nouveau dogmatisme, les ­curés de la jouissance ­obligatoire prolifèrent, aussi sentencieux que les censeurs d'hier. Impossible toutefois de soutenir comme Roland Barthes en 1977 que l'obscénité désormais consiste à parler d'amour : au contraire, ­l'affranchissement des corps a renforcé et non étouffé le sentiment amoureux, enrichi de sa part charnelle. Les petites annonces quotidiennes de ­Libération, follement romanesques, en témoignent avec éloquence. Cette trajectoire me semble menacée : par le réveil des fondamentalismes religieux toujours prêts à remettre en cause les acquis de cette ­période, le divorce, le travail ­féminin, le droit à l'avortement ; mais aussi par la présence en Europe de ­fortes communautés en provenance de sociétés traditionnelles et qui ­imposent au nom de Dieu, de la culture, le voile, le ­mariage forcé, la polygamie voire ­l'excision. La complaisance de certaines forces progressistes, au nom du respect de la différence, ne laisse pas ­d'inquiéter. Depuis un demi-siècle, la