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Si la biodiversité m'était comptée

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C'est un vieux fantasme : connaître la valeur exacte de la nature. Dans la communauté scientifique, on préfère parler d'éthique et voir au-delà de la simple question d'argent. Mais c'est pourtant celle-ci qui intéresse les décideurs.
par Simon BARTHELEMY
publié le 13 octobre 2007 à 0h49
(mis à jour le 13 octobre 2007 à 0h49)

20 000 dollars pour une loutre de mer, 22 000 pour un aigle. En tout, 2,8 milliards de dollars pour sauver l'Alaska en réintroduisant les espèces décimées par la marée noire. Voila le prix que les Américains interrogés se sont dits prêts à payer après le naufrage de l'Exxon Valdez, en 1989. Cette «valeur de non usage» a été plaidée contre Exxon (condamné en première instance à plus de 4 milliards de dollars de dédommagement). L'étude des économistes américains fait toujours jurisprudence : au procès de l'Erika, les plaignants s'en sont inspirés pour définir le «préjudice écologique» causé par la pollution des côtes. Certes, les méthodes utilisées font parfois sourire les scientifiques. «Quel que soit le prix que l'on donne à la Joconde, cela ne dirait rien de sa valeur, de même que ne dit rien de la valeur d'une vie humaine le prix que peuvent en donner les assurances», souligne ainsi Jacques Weber, directeur de l'Institut français de la biodiversité.

Pour autant, beaucoup de décideurs prennent ces données pour argent comptant. «Dans un document sur la forêt en République démocratique du Congo, la Banque mondiale a exigé des indicateurs sur sa valeur économique, raconte Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Bien que je n'en disposais pas, on m'a répondu : " Peu importe." Car dans les grandes institutions internationales, il n'y a pas d