Menu
Libération

Des êtres en gage

Article réservé aux abonnés
Quand les Indiens les plus pauvres ont besoin d'argent, ils n'hypothèquent pas leur maison, mais leur corps. Puis leurs enfants. Enquête sur une coutume plus forte que la loi.
publié le 27 juin 2008 à 4h03

De notre envoyé spécial à Shivpuri (Madhya Pradesh , Inde)

Pendant plus de vingt ans, Manna a travaillé sans salaire. Originaire d'un village du centre de l'Inde, ce paysan sans terre avait un jour dû emprunter 20 000 roupies (environ 300 euros) pour organiser le mariage de ses filles. Sans accès au système bancaire, il n'a eu d'autre choix que de contracter cette dette auprès d'un notable de son village. En échange, il devait rembourser en nature, en travaillant la terre de l'usurier. Analphabète, Manna ne pouvait cependant pas vérifier les comptes, qui ne lui étaient de toute façon pas communiqués. Sans scrupules, «l'employeur» ajoutait aussi à la dette la nourriture qu'il fournissait au pauvre homme, privé de tout autre moyen de subsistance. «Quand je demandais combien il restait à payer, il me répondait que je n'avais remboursé que les intérêts», explique le vieil homme. Je travaillais du lever à la tombée du jour, et si je protestais, il m'insultait, me battait parfois. Quand un membre de ma famille tombait malade, il me donnait 100 ou 200 roupies pour payer les soins, mais à part ça, je n'ai jamais touché un centime.» Sa femme travaillait, elle aussi, comme main-d'oeuvre agricole, payée 30 roupies la journée. «Pas assez pour faire vivre toute une famille», affirme-t-elle tout en préparant le repas dans la cour de la maisonnette en terre.

Ses fils contre un prêt

A 11 ans, le fils aîné, Rajaram, dut donc se rendre à son tour aux champs pour renfl