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Libération
Critique

Ursúa

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publié le 9 août 2008 à 4h34

William Ospina Traduit de l'espagnol (Colombie) par Claude Bleton. JC Lattès, 455 pp., 20 €.

«A force de penser à une chose», le conquistador Pedro de Ursúa«était persuadé de l'avoir vécue». Celui qui raconte sa véridique aventure est le métis qui l'accompagna, au XVIe siècle, dans ses découvertes et massacres au coeur de la future Colombie. En vingt ans, l'empire inca s'est désintégré, les Pizarro et leurs héritiers ont appris à s'entre-tuer. Mais le Pérou, c'est toujours le Pérou : le «pays des cannelles» et l'eldorado restent à découvrir, ou à imaginer. La conquista est ce récit que l'Amérique latine ne cesse de réinventer et que le Colombien William Ospina, dans ce premier volume d'une trilogie, reprend à son tour, «miracle après miracle, effroi après effroi», en imaginant l'homme qui inspira le Aguirre de Werner Herzog. Ospina écrit comme si la matière de la langue ne pouvait venir que de cette étoffe épique et déchirée. Les phrases sont lentes, humides et solennelles. Chaque mot paraît cousu dans du velours noyé dans un fleuve, émerveillé par ce qu'il évoque. Comme dans les anciens livres, la première phrase d'un chapitre lui sert de titre. Toutes rappellent la pâte de Garcia Márquez. Ospina a consacré plusieurs textes au prix Nobel colombien. Il montrait la puissance de sa poésie en action, et en décomposition. Il y a des enchantements qui se perdent, puis s'écrivent. Parmi les personnages croisés par le conquistador, il y a Roblado, «une sorte de fantôme co