Question posée par le 28/09/2017
Bonjour,
Le centre international de recherche contre le cancer (Circ), qui dépend de l'OMS, a classé en mars 2015 le glyphosate comme «cancérogène probable». Son avis s'appuyait sur un millier d'études déjà publiées dans la littérature scientifique analysées par 17 experts originaires de 11 pays différents.
Depuis la publication de cet avis, le Circ fait l'objet d'une vive contre-attaque de Monsanto. «Après cette classification, le CIRC a été la cible d'un nombre d'attaques sans précédent, cherchant à détruire sa crédibilité», racontait à Libération le 23 août dernier le docteur Kurt Straif, directeur de la section des monographies du CIRC. «Ces attaques n'étaient pas sans rappeler les stratégies utilisées par l'industrie du tabac il y a quelques décennies.»
La tribune que vous mettez en lien dans votre question a été rédigée par Gil Rivière-Wekstein, fondateur du site Agriculture et environnement qui publie régulièrement des articles pro-glyphosate, contre Marie-Monique Robin (la réalisatrice du documentaire Le Monde selon Monsanto en 2008) et contre le bio. Elle reprend une information publiée par Reuters durant l'été, qui révélait qu'une étude menée dans le cadre de l'Agricultural Health Study (AHS) aux Etats-Unis n'avait pas été prise en compte alors même qu'Aaron Blair, un épidémiologiste américain qui faisait partie du groupe du travail du Circ connaissait son existence et ses résultats. L'étude concernait pourtant 89 000 agriculteurs, pointe Reuters. L'agence de presse s'appuie ensuite sur les propos tenus par Aaron Blair durant son audition. «Si le groupe de travail du Circ avait pu prendre en compte ces données, l'analyse du Circ sur le glyphosate aurait été différente, a reconnu Blair dans les dépositions consultées par Reuters», peut-on lire dans la dépêche.
Aaron Blair explique que le Circ ne prend en compte que des études déjà publiées, ce qui n’était pas le cas pour l’étude de l’AHS.
Dans un communiqué publié suite à l'article de Reuters, le Circ a affirmé «ne pas baser ses évaluations sur des opinions présentées dans les médias». Il assure aussi qu'un «expert indépendant» cité par Reuters a en fait été rémunéré par Monsanto. Une information reprise dans une contre-enquête publiée sur le Huffington Post, qui affirme que Reuters omet de préciser que l'étude de l'AHS porte sur des sous groupes «relativement petits» et qu'une autre étude a été réalisée par Aaron Blair et dont les résultats ne sont pas favorables à Monsanto. Les 300 pages de la déposition d'Aaron Blair sont disponibles ici. Aaron Blair a par ailleurs précisé au Huffington Post que cette étude menée par l'AHS ne l'a pas fait changer d'avis sur le lien entre cancer et glyphosate. Selon un autre expert cité par le Huffington Post, Peter Infante, «cette étude de l'AHS n'est pas la référence absolue».
Notons par ailleurs que les Monsanto Papers ont largement révélé les efforts de Monsanto et de l'industrie pétro-chimique pour décrédibiliser le Circ. Vous pouvez en savoir plus sur le lobbying mis en place par Monsanto en lisant cette enquête de Libération.
Les résultats du Circ sur le glyphosate se distingue des études menées par deux agences européennes. En novembre 2015, quelques mois après la classification du Circ, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) jugeait «improbable» le risque cancérogène du glyphosate. Le 15 mars 2017, l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) considérait à son tour que ce pesticide n'était pas cancérogène. Mais alors que le Circ ne tient compte que des études publiées dans la littérature scientifique par des experts dont elle vérifie l'absence de conflits d'intérêts, les agences réglementaires s'appuient aussi sur les travaux confidentiels fournis par les industriels. Le Guardian et la Stampa ont accusé l'Efsa le 15 septembre d'avoir copié collé des pans entiers d'un rapport de Monsanto, et d'avoir accordé un droit de regard aux industriels qui a été à l'inverse refusé aux ONG. L'Efsa a rétorqué dans un communiqué que «ces allégations sont infondées et basées sur un manque fondamental de compréhension du cadre européen de réglement des pesticides».
Cordialement,
Pauline Moullot (réponse postée le 2 octobre 2017)