Question posée par M.B. le 02/10/2017
Bonjour,
Selon les sources policières et judiciaires que nous avons contactées, il est facile de déclarer plusieurs identités, à différents moments. Si une personne n'est pas en mesure de présenter une pièce d'identité quand cela lui est demandé par les forces de l'ordre, celles-ci l'identifient sous le prénom et le nom qu'elle donne.
Mais comme on l'explique au ministère de l'Intérieur, «des identités différentes ne veulent pas dire une personne différente, on peut avoir un ou dix alias.» Ce qui permet d'identifier quelqu'un à coup sûr, ce sont ses empreintes digitales.
Dans le cas d'une infraction constatée qui débouche sur une garde à vue, l'individu est pris en photo, et ses empreintes digitales sont relevées : on parle de «signalisation» dans le jargon judiciaire et policier. Après une signalisation à la suite d'une infraction, les empreintes digitales sont stockées dans le Faed (Fichier automatisé des empreintes digitales). Près de 5 milions d'individus y sont enregistrés, selon la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés).
C'est le cas d'Ahmed Hanachi, le tueur de Marseille. Il a été, entre 2005 et 2006, enregistré à 6 reprises, à la suite d'infractions, sous 6 identités différentes, changeant soit de prénom, soit de nom de famille.
Ce qui permet de faire le lien entre ces identités «déclaratives», c'est précisément le Faed, expliquent plusieurs sources proches de l'enquête. Nous ne sommes pas en mesure de dire si Ahmed Hanachi a présenté 6 pièces d'identité falsifiées, ou si, plus probablement, il n'a pas fourni de pièces d'identité aux forces de l'ordre lors des interepellations, dont voici les dates, les lieux et les motifs :
2005 – Toulon – vol à l'étalage
2005 – Marseille – infraction à la législation des étrangers (ILE)*
2005 – Fréjus (Var) – ILE
2005 – Toulon (Var) – ILE
2006 – Toulon (Var) – ILE
2006 – Menton (Alpes-Maritimes) – ILE
Contrairement à ce qui a parfois été écrit dans les médias, il nous a été confirmé par des sources proches du dossier que la personne interpellée à Châlon-sur-Saône (Saône-et-Loire) en 2014 pour port d'arme prohibé n'était pas le tueur de Marseille, mais un homnyme.
L'usage d'alias permettait à Ahmed Hanachi de tromper les forces de l'ordre françaises, mais surtout les autorités de son pays, la Tunisie. «Il est très compliqué de renvoyer quelqu'un dans son pays d'origine si l'on n'a pas sa vraie identité» - et a fortiori un document officiel -, explique un de nos interlocuteurs. Qui plus est, le tueur de Marseille aurait déclaré différentes nationalités (tunisienne, algérienne, marocaine) au fil des contrôles, selon le ministre de l'Intérieur Gérard Colomb.
Preuve de la confusion, certains médias ont écrit le nom de famille « Hanachi », sous plusieurs orthographes, en ôtant le H, ou plus souvent en en doublant le N (variant parfois au sein du même article).
Une certitude toutefois selon nos interlocuteurs : recoupement fait des 6 dossiers (un par alias) enregistrés sous les empreintes digitales d'Ahmed Hanachi, il ressort un casier judiciaire... vierge. Ce qui a sûrement aidé le tueur de Marseille à passer sous les radars de la police et de la justice.
Fabien Leboucq
* Jusqu'en 2012, l'entrée ou le séjour irréguliers sont considérés comme des délits, qui peuvent déboucher sur des gardes-à-vue.