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Comment est il possible qu'Abdelkader Merah soit condamné pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste mais pas pour complicite d'assassinats ?

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publié le 3 novembre 2017 à 12h46

Question posée par Simon Férelloc le 02/11/2017

Bonjour,

C'était la question centrale du «procès Merah»: savoir si Abdelkader était ou non complice de son frère Mohammed, qui a tué 7 personnes et en a blessé 3 autres en mars 2012. La décision de la cour d'assises spéciale de Paris a été rendue le 2 novembre 2017.

Réponse pour les magistrats professionnels: Abdelkader Merah n'est pas complice d'assassinat. Il écope toutefois de 20 ans de réclusion, avec une peine de sûreté des deux tiers, pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste (il a notamment aidé son frère a volé un scooter utilisé pour commettre ses crimes).

Les motivations des magistrats de la cour d'assises spéciale sont largement détaillées ici. Si l'association de malfaiteurs ne fait pour eux pas l'ombre d'un doute, la complicité de meurtre n'est pas prouvée.

<em>La complicité par aide ou assistance exige pour être caractérisée que soit constatée la réalisation d'un acte positif par l'agent mis en cause, la simple participation à une association de malfaiteurs – infraction autonome – étant insuffisante. En effet, si la procédure permet de constater l'existence d'actes préparatoires – éléments matériels de l'association de malfaiteurs comme cela a été précédemment souligné –<strong> il n'est pas démontré l'existence d'une aide ou assistance, apportée en connaissance de cause</strong>, par Abdelkader MERAH, à son frère lors de la commission des assassinats et tentatives d'assassinats.</em>

En effet, selon l'article 121-3 du Code pénal, «Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.» Et surtout, quelques alinéas plus loin (121-7), la loi dispose: «est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.»

L'arrêté de motivation des magistrat pose clairement que la présence d'Abdelkader Merah au moment des faits n'est pas prouvée.

La présence d'Abdelkader MERAH, lors de la commission desfaits, même sans action positive de sa part – qui pourrait s'analyser en un encouragement même simplement moral - n'a pas plus été établie

Rien ne prouve non plus qu'Abdelkader Merah était présent au moment de l'achat des armes ou de la location des véhicules ou des box servant à les entreposer par son frère. Son ADN a été retrouvé dans une des deux voitures, mais pas dans l'autre, ni sur le scooter, ni dans les box, ni sur les armes. Ainsi, selon les magistrats:

La participation au vol du T-MAX 530 est en soi insuffisante, selon cette cour, pour affirmer que ce vol a été commis en connaissance de cause de ce que ce véhicule allait précisément servir d'instrument aux assassinats commis. En effet, si Abdelkader MERAH a précisé en garde à vue, qu'il se «doutai(t) bien que (son) frère allait» commettre des «braquages de station service, des vols, des agressions», et ce dans le cadre de son projet terroriste au service de la cause, <strong>il a pu ignorer lors de ce vol que ce scooter allait être l'instrument des assassinats effectivement commis.</strong>

Quant à la seconde partie de l'alinéa 7 de l'article 121 du Code pénal: «Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre», les magistrats y répondent ainsi:

<strong>Si les rencontres régulières entre les deux frères avant et pendant les faits traduisent une proximité retrouvée, elles ne permettent pas d'en déduire une provocation à l'infraction</strong> d'autant que la teneur des échanges, outre celle livrée par Abdelkader MERAH, et en l'absence de tout autre élément, reste inconnue. Par ailleurs, l'ascendant qu'Abdelkader MERAH a pu avoir sur son frère Mohamed lors de l'adolescence de ce dernier, pas plus que l'exercice d'une «influence indirecte» à l'époque des faits, telle que qualifiée par Abdelkader MERAH lors de sa garde à vue, ne sauraient être retenus au titre d'un élément de la complicité punissable. En effet, <strong>le processus de radicalisation extrémiste et violent dans lequel Mohamed MERAH a sombré a pu être alimenté non seulement par son frère, mais aussi par les autres contacts qu'il a noués en France ou à l'étranger lors de ses multiples déplacements.</strong>

Le parquet général a fait appel de la condamnation, et en deuxième instance, les délits ou les peines sont susceptibles d'évoluer.

Fabien Leboucq

Réponse publiée le 3 novembre 2017