Menu
Libération
CheckNews
Vos questions, nos réponses
CHECKNEWS

Les chasseurs prétendent que le nombre d'oiseau migrateurs est stable en France. Est-ce vrai ?

par
publié le 6 novembre 2017 à 14h56

Question posée par Paschassé le 24/10/2017

Bonjour,

Parler d'oiseaux migrateurs en France est difficile, parce que par définition, les oiseaux ne s'arrêtent pas nécessairement aux frontières d'un pays. De plus, certaines espèces sont clairement migratrices, mais d'autres sont à la fois nomades et sédentaires.

Pour faire un peu schématique, on peut les ranger en trois groupes, en fonction des raisons et du périmètre géographique de la migration.

Climat et activités humaines dégradent l'habitat des oiseaux

Certaines espèces évoluent principalement dans l'espace national, mais on ne peut pas se contenter de celles-ci : ces oiseaux sont en nombre moins important que les autres catégories. D'autres le font à l'échelle "régionale", par exemple au niveau européen. Enfin, certaines le font à l'échelle "suprarégionale", d'un continent à l'autre (du pôle Arctique au Sahara par exemple).

Et bien que des oiseaux soient capables de voler pendant plusieurs milliers de kilomètres sans interruption, les migrateurs doivent quand même recharger leurs batteries et se nourrir en cours de route, devant alors poser pattes à terre. C'est ce qu'on appelle les "haltes migratoires", et certains endroits du territoire national correspondent à ces points de passage. De manière générale, la France est un endroit pour passer l'hiver (ce qu'on appelle "l'hivernation"), et pour d'autres espèces, notre pays est également habité temporairement pour passer l'été, pour s'accoupler, pour y mettre leur nid.

Compte tenu de ces différents mouvements, d'ailleurs perturbés par le dérèglement climatique et les activités humaines, on comprend mieux pourquoi il est difficile, voire impossible, d'évaluer de façon totalement satisfaisante la population des espèces migratrices. Et il est encore plus ardu d'établir une évolution des effectifs d'année après d'année.

Nombre d'associations, d'ONG, de chercheurs, et institutions internationales tentent toutefois de suivre au mieux le nombre d'oiseaux migrateurs. Ayant pour objectif de préserver ces populations et leur habitat, ils ont mis en place avec l'aide des Etats des "statuts de conservation" pour une partie des espèces, notamment menacées.

Un déclin global depuis 1970

En France, la LPO, ou ligue de protection des animaux, en fait partie. Elle est membre-fondateur de BirdLife International, la plus importante des ONG de protection des animaux, ayant développé les outils et les bases de données utilisées par les Etats et les institutions internationales dans l'élaboration de leur programme de préservation.

Contacté par Check News, la LPO indique qu'il n'existe "aucun indicateur global de l'évolution des populations d'oiseaux migrateurs". Ainsi, selon eux, impossible d'affirmer que les oiseaux migrateurs sont en nombre stable : "Certaines augmentent (du fait notamment des actions de conservation), certaines diminuent (sous la pression des principales menaces que sont la surexploitation et les activités agricoles), et certaines sont stables ou fluctuent".

Cela est confirmé par une étude publiée en 2015 et réalisé par l'AEWA, un accord international en cours de constitution sous l'égide de l'ONU regroupant 76 des 119 pays concernés par les espèces à répertiorer sur les continents eurasiatique et africain. La population étudiée représente 376 espèces migratoires (sur environ 10.000 espèces dans le monde), sur la route migratoire la plus étendue de la planète, formant un triangle entre l'extrême est de l'Asie, l'Afrique du Sud, et l'Arctique. Depuis dix ans, 39%  des espèces répertoriées sont stables. 25% sont certes en augmentation. Mais 36% sont en baisse. Sur la période 1970-2000, une étude observe à propos des oiseaux passant leur été dans les zones tempérées de l'Europe et leur hiver dans les tropiques en Afrique, qu'environ la moitié (40%) des espèces étudiées ont décliné.

Jacques Trouvilliez, chargé du suivi de la signature des accords pour l'AEWA, nous précise que la dégradation de la biodiversité ne permet pas de conclure à une "stabilité" des effectifs, en France ou ailleurs.

Il indique que "13% des espèces migratrices étudiées ne sont pas bien protégés du tout sur l'ensemble de la voie de migration". La France a ainsi perdu "en 50 ans, 50% des zones humides". Et c'est un vrai problème : la plupart des oiseaux migrateurs sont des "oiseaux d'eau". "Pour les oiseaux d'eau migrateur, la situation la plus dramatique c'est la Mer Jaune". La Chine, non-signataire de l'AEWA, se développe à toute vitesse, alors que de nombreuses espèces viennent y faire des "haltes" vitales. Et en Afrique, seuls la moitié des Etats ont signé l'accord pour le moment.

Bien cordialement,

Youness Rhounna

Réponse publiée le 6 novembre 2017.