Question posée par Mayiia Gauchet le 10/11/2017
(Mise à jour le 18 janvier 2018)
Bonjour,
Le «verrou de Bercy» désigne l'impossibilité de poursuivre pénalement une personne qui aurait commis une infraction au Code général des impôts si le ministère de l'Economie et des Finances, «Bercy», ne porte pas plainte
Ainsi, le seul moyen pour que la justice se penche sur un cas supposé de fraude fiscale est donc que les services de l'Etat lancent une procédure. Le verrou de Bercy tient en deux phrases, à l'article 229 du livre des procédures fiscales:
Les plaintes sont déposées par le service chargé de l'assiette ou du recouvrement de l'impôt sans qu'il y ait lieu de mettre, au préalable, le contribuable en demeure de régulariser sa situation.
Toutefois, les plaintes présentant un lien de connexité peuvent être déposées par un seul des services mentionnés au premier alinéa, compétent pour le dépôt de l'une de ces plaintes.
Depuis 1977, pour qu'une plainte soit recevable, celle-ci est examinée par une commission des infractions fiscales, qui doit donner son accord à l'engagement des poursuites. L'avis qu'elle rend est liant pour le ministère, qui doit s'y conformer.
Le «verrou de Bercy» permet notamment aux services des impôts de négocier avec les contrevenants pour qu'ils puissent régulariser leur situation sans en passer par la case tribunal. Un fonctionnement qui n'est pas sans aberrations, comme le remarque Le Monde:
En 2013, l'affaire Cahuzac a mis en lumière certaines failles du verrou de Bercy. Après les révélations de Mediapart sur ses comptes à l'étranger, s'il n'avait pas démissionné, Jérôme Cahuzac, alors ministre du budget, aurait dû décider s'il était nécessaire d'engager des poursuites contre lui-même.
Un handicap pour la justice, selon la procureure du parquet national financier (PNF)
Lors des échanges parlementaires sur la loi sur la confiance dans l'action publique l'an passé, le Sénat avait suggéré la levée partielle de ce fameux «verrou».
En juillet, des députés venant de quatre partie différents (PCF, LFI, PS et centristes) avaient tenu une conférence de presse commune à l'Assemblée nationale pour demander la fin du "verrou de Bercy". La majorité avait protégé le dispositif, tout en promettant en juillet de lancer une mission d'information, qui a été lancée début janvier 2018.
Dans le cadre de de cette mission, Éliane Houlette, procureure du parquet national financier, a été auditionnée le 16 janvier 2018. Elle a évoqué un "véritable handicap" pour l'action de la justice.
Le verrou bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites et constitue un obstacle théorique, juridique, constitutionnel et républicain, en plus d'être un handicap sur le plan pratique.
Les députés rendront leurs conclusions dans quelques mois.
Fabien Leboucq