Question posée par Hugo le 02/12/2017
Bonjour,
Dimanche 26 novembre 2017, les Honduriens étaient appelés à voter à l'occasion des élections générales. Tous les quatre ans, ils désignent ainsi le président du Honduras, les 128 députés du Congrès National, les 20 députés du parlement centraméricain (Parlacen), et l'élection des maires et maires adjoints des 298 municipalités de ce pays d'Amérique centrale.
Cette année, l'élection présidentielle a connu un tournant très spécial. Elle opposait principalement deux candidats: le président sortant, Juan Orlando Hernández, qui représente le parti national du Honduras (conservateurs) et Salvador Nasralla de l'Alliance d'opposition contre la dictature, qui regroupe les partis de gauche "Liberté et Refondation" et le parti "Innovation et Unité Socialdémocrate".
Une candidature controversée
L'élection présidentielle de 2017 est particulière: alors que la Constitution hondurienne limite le nombre de mandat présidentiel à un seul, on y retrouve un président sortant. Cette année, le président Hernandez a pu bénéficier d'une décision controversée la Cour suprême d'août 2016, qui l'autorise à se représenter. En 2009, le président Manuel Zelaya avait été victime d'un coup d'état pour avoir tenté d'organiser un référendum consultatif afin de convoquer une assemblée constituante, qui changerait la Constitution sur ce point. Pour beaucoup de Honduriens, opposés au parti national, l'autorisation de la Cour suprême est vue comme injuste. Pourquoi Hernandez y a-t-il droit quand ce n'était pas le cas pour Zelaya?
Deux rivaux disent avoir gagné la même élection
Mais revenons à l'élection du dimanche 26 novembre. Ce jour-là, avant même l'annonce des résultats officiels, le président sortant Juan Orlando Hernandez se déclare vainqueur, d'après les "sorties des urnes". Dans la soirée, son rival Salvador Nasralla répond qu'il ne reconnaît pas les sondages de sorties des urnes mais uniquement les procès-verbaux de l'élection. Puis après le dépouillement d'un tiers des votes, Nasralla annonce sa victoire.
Et c'est là que les ennuis commencent: forcément les deux rivaux annoncent avoir gagné la même élection... Durant la soirée électorale, chaque camp va présenter des sondages le donnant vainqueur. Puis dans les premières heures de la nuit, lundi 27 novembre, le Tribunal Suprême Electoral (TSE) présente les résultats de 57% des votes dépouillés, qui donnent Nasralla victorieux à 45,2% , suivi par Hernandez (40,2%) et Luis Zelaya (13,8%).
Le président Hernandez ne se rend pas et déclare que ces données "ne sont pas concluantes" car elles n'ont été récoltées que pour les deux principales villes du pays (Tegucigalpa et San Pedro de Sula) et qu'il va falloir être patient. Toujours durant la même nuit, Jorge Quiroga, le chef de la mission des observateurs de l'Organisation des Etats d'Amérique (OEA), déclare que les résultats sont serrés et qu'il manque toujours 43% des votes à dépouiller. Il en appelle aussi "à la patience et à la maturité" des Honduriens.
Lundi 27 novembre, au réveil, les Honduriens ne savent donc toujours pas qui a été élu président. Vers midi, le troisième homme de l'élection, Luis Zelaya donne une conférence presse, où il qualifie le tribunal suprême électoral "d'irresponsable" pour l'incertitude dans laquelle il laisse les Honduriens à cause de son lent décompte; il admet sa défaite, salue la victoire de Salvador Nasralla et demande au président sortant de reconnaître la volonté du peuple hondurien. Attendant toujours les résultats du TSE, Nasralla appelle ses électeurs à se réunir devant le tribunal suprême électoral, tandis que le parti national organise une conférence de presse, où il annonce encore une fois qu'Hernandez a gagné.
Manifestations meurtrières, état d'urgence et casserolades
Face à la lenteur du TSE, la situation se tend au Honduras. Les résultats tombent goutte à goutte et mardi, l'écart entre les deux rivaux se resserre. Mercredi 29 novembre, le système informatique du TSE connaît un "bug informatique": durant cinq heures, le site où sont affichés les résultats n'est plus accessibles. Ce jour-même, Hernandez passe devant Nasralla dans les résultats de TSE après dépouillement de 89 % des bureaux de votes. Tous ces éléments inquiètent les partisans de Nasralla, qui voient dans cette lenteur et ce bug, une tentative de voler l'élection.
Des manifestations sont organisées, notamment devant le TSE à Tegucigalpa, qui sont ensuite évacuées par la police à coup de gaz lacrimogène. Pour contrer des rassemblements de plus en plus chaotiques, où se mèlent des pilleurs et des casseurs dans les grandes villes, le président Hernandez décrète l'état d'urgence vendredi 1er décembre. Selon le quotidien hondurien "La Prensa", 7 personnes sont mortes lors des manifesations de mercredi à vendredi.
Mais le couvre-feu du président Hernandez n'a pas calmé la colère des Honduriens. Pour passer outre, certains militants ont décidé de manifester leur mécontentement en organisant "des casserolades contre la dictature" depuis leur domicile, comme le montre ce visuel obtenu dimanche 3 décembre par CheckNews sur Whatsapp (l'auteur de cette réponse est d'origine hondurienne).
Résultats du lundi 4 décembre
Lundi 4 décembre, lors de la rédaction de cette article et après le dépouillement de 99,96% des bureaux de votes, le tribunal suprême électoral donnait le président sortant Juan Orlando Hernandez gagnant, avec plus de 52 000 voix d'avances sur Salvador Nasralla.
Sur Twitter, Nasralla se présentait toujours comme étant le "président élu du Honduras 2018-2022". La veille, lors d'une manifestation dans la capitale Tegucigalpa, il continuait de dénoncer les irrégularités du TSE et "le vol" électoral qui était en train d'avoir lieu au Honduras.
En résumé: depuis les éléctions générales du 26 novembre, le Honduras connaît une crise politique suite à de nombreux problèmes dans l'annonce des résultats électoraux. Les deux principaux candidats continuent de se proclamer vainqueur de cette élection.
Cordialement,
Jacques Pezet