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Bonjour, Jean-Luc Mélenchon a-t-il vraiment dit, comme le relate Slate (en citant Le 1): «Je ne me sens rien de commun avec les pays baltes. C’est le bout du monde, même les Romains ne sont pas allés là-bas! La grande matrice de l’Europe, ce sont les frontières de l’Empire romain. […] Et on traiterait de frères de lointains Lituaniens sous prétexte qu’ils sont chrétiens ! Ce n’est pas mon histoire.»? Merci.

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publié le 15 décembre 2017 à 11h24

Question posée par le 15/12/2017

Bonjour, il s'agit d'un extrait (coupé) d'une interview de Jean-Luc Mélenchon faite à l'hebdomadaire Le 1, le 18 octobre dernier.

Un article de Slate publié le 15 décembre  ("L'obsession balte de Jean-Luc Mélenchon") déplore le manque de solidarité de Jean-Luc Mélenchon vis à vis des pays baltes, et livre (notamment) en appui de son propos la citation du leader insoumis qui motive votre question :

«Le "peuple européen", qu'est-ce que c'est? Je ne me sens rien de commun avec les pays baltes. C'est le bout du monde, même les Romains ne sont pas allés là-bas! La grande matrice de l'Europe, ce sont les frontières de l'Empire romain. […] Et on traiterait de frères de lointains Lituaniens sous prétexte qu'ils sont chrétiens ! Ce n'est pas mon histoire.»

Un lien dans la citation renvoie à une tribune publiée dans Libé le 24 octobre : Mélenchon, César et Néron. François Camé (ex de Libé) y critiquait vivement la position de Mélenchon (ainsi que, selon l'auteur, des erreurs historiques) et mentionnait cette même déclaration. La tribune précisait qu' il s'agissait d'un extrait de l'interview faite à l'hebdo le 1 le 18 octobre.

C'est exact. Même si l'extrait a été coupé.

Mélenchon évoquait dans Le 1 la «souveraineté de peuple». Et réfutait que l'Europe soit un cadre pour cette souveraineté, en mettant notamment en doute l'idée d'un «peuple européen» fondée sur l'ethnicisme ou la religion. La mention des «Lituaniens» vient ainsi en opposition à celle (coupée dans l'extrait cité dans la tribune de Libé et sur Slate) des «maghrébins».

Il compare le traitement réservé aux maghrébins («qui vivent aujourd'hui en France, dont une majorité sont français ! On a des familles en commun ! Mais on les traite en suspects ! » à celui des lointains Lituaniens «qu'on traiterait comme des frères».

Voici l'extrait de l'interview dans son intégralité :

<strong>Parlons d'un sujet plus important alors, mais pas moins polémique : la nation et l'Europe. Quelle est votre position aujourd'hui sur ces points ?</strong><br/> La nation est un mot à bords flous en France. Pour moi, il y a un concept central : le peuple est souverain. On oublie que j'ai passé presque dix ans à mener un combat fédéraliste au niveau européen, avec la gauche du SPD, pour aboutir à une assemblée constituante. Au bout d'un moment, j'ai laissé tomber. Leur Europe, celle des traités libéraux, a gagné. Le pli est désormais irréversible. Il faut avancer avec une autre méthode. Nous avons appelé ça « plan A et sinon plan B ». On ne peut pas laisser faire l'Europe en défaisant la France. Mais, en s'appuyant sur l'identité républicaine de la France, on peut faire une Europe des nations bien intégrée. Les Français comprennent ça ! Mais leurs élites sociales et médiatiques sont mondialistes. Nous sommes altermondialistes. J'ai été marqué par le sens du nationalisme latino. C'est un nationalisme de gauche, anti-impérialiste. Ça a un sens : tu ne peux pas construire un mouvement de masse à dix mille kilomètres de l'affect moyen de ton pays. La première fois qu'on a évoqué l'idée de chanter La Marseillaise dans les meetings, plusieurs de mes amis ne voulaient pas en entendre parler. Moi, j'y croyais. Si on fait une campagne présidentielle où on ne chante pas l'hymne national, qu'est-ce qu'on va chanter ? L'Internationale ? Ça exclut tous ceux qui ne la connaissent pas. Quand on a commencé à chanter La Marseillaise sur la place de Stalingrad à Paris en 2012, ceux qui chantaient le plus fort, c'étaient les jeunes dans le public. Pour moi, il était important de rendre à ce chant son caractère populaire, qui en fait partout dans le monde un chant révolutionnaire. J'y reviens : le concept central, c'est celui selon lequel le peuple est le seul souverain.

<strong>L'Europe ne peut pas être le cadre de cette souveraineté ?</strong><br/> Alors le monde entier peut l'être ! Il n'y a qu'une seule humanité. Mais s'il faut commencer par un bout, commençons par former un peuple souverain. Le « peuple européen », qu'est-ce que c'est ? Je ne me sens rien de commun avec les pays baltes. C'est le bout du monde, même les Romains ne sont pas allés là-bas ! La grande matrice de l'Europe, ce sont les frontières de l'Empire romain. En deçà, la nation civique ; au-delà, la nation ethnique. Et quel déni de la réalité concrète ! Il y a un million de Maghrébins qui vivent aujourd'hui en France, dont une majorité sont français ! On a des familles en commun ! Mais on les traite en suspects ! Et on traiterait comme des frères de lointains Lituaniens sous prétexte qu'ils sont chrétiens ! Ce n'est pas mon histoire. Quand je parle de nation, il ne faut pas l'essentialiser. La nation, c'est le contenant de la République et de son peuple souverain. Ce qui m'intéresse, c'est le caractère républicain de la patrie. En France, la République fonde la nation, et pas l'inverse. Jospin me disait : il y avait la France avant la Révolution. Non ! C'était le royaume de France, les frontières étaient différentes, les gens aussi. Par conséquent, je n'accepterai jamais un nationalisme qui serait un ethnicisme. Je suis universaliste. Et je refuse absolument les abandons de souveraineté populaire sous prétexte de cantiques européistes creux et dangereux, comme le renoncement à notre autonomie en matière de défense.

Cordialement

C.Mt