Question posée par le 14/12/2017
Bonjour,
Un récent article de l'Opinion sur «l'argent, tabou des députés», a fait grand bruit, en raison d'une petite phrase d'une députée LREM, se plaignant de sa trop faible rémunération. Ancienne cheffe d'entreprise, elle a déploré la baisse de ses revenus (de 8000 à 5000 euros nets par mois) :
""Je vais moins souvent au restaurant, je mange pas mal de pâtes, j'ai ressorti des vêtements de la cave et je vais devoir déménager. P<em>our beaucoup, la question de tenir jusqu'au bout va se poser»</em>
La phrase a été abondamment critiquée, y compris dans les rangs de LREM.
Dimanche 17 décembre, Aurore Bergé, porte-parole des députés LREM, en disait ceci sur BFM TV :
Je ne comprends pas. C'est une attitude à la fois indigne et très lâche. C'est lâche parce que cette phrase n'est pas signée et qu'on ne sait pas qui l'a prononcée. C'est extraordinairement indigne de prétendre qu'on n'a pas les moyens de vivre quand on a la rémunération qui est celle d'un parlementaire
La députée existe bien...
Nous avons posé votre question à Caroline Vigoureux, journaliste à l'Opinion et auteure (avec sa consoeur Nathalie Segaunes) de l'enquête de l'Opinion :
«Cette députée existe-elle, et a-t-elle tenu ces propos? Bien sûr que oui. Nous n'aurions jamais inventé cela. Cette enquête a été réalisée sur plusieurs semaines, avec des informations recueillies notamment auprès d'un vingtaine de députés LREM. Je suis journaliste parlementaire pour l'Opinion, une grande part de ces informations provient de déjeuners organisés quotidiennement avec des députés».
Plusieurs témoins attestent de la réalité de l'échange. En effet, il est commun que les journalistes politiques s'organisent en groupe, ce qui leur permet de multiplier les rendez-vous. Ainsi, lors de ce déjeuner avec la députée en question, Caroline Vigoureux était avec deux journalistes, l'un de L'Express, et l'autre de Libération : il s'agit de Laure Equy, qui raconte :
«Caroline (Vigoureux) travaille depuis longtemps sur son enquête sur l'argent et les députés. A chaque fois, elle prend un moment pour poser des questions sur le sujet. Je confirme que la députée a bien tenu les propos rapportés. Elle expliquait qu'elle s'en sortait mal en raison des impôts qu'elle avait à payer (calculés sur la base de ses revenus passés). Elle a parlé des pâtes et des vetements sortis de la cave. On a d'ailleurs tous relevé la phrase»
L'autre journaliste présent (d'un hebdomadaire) confirme lui aussi :
C'est exactement ce qu'a écrit Caroline Vigoureux, même si la députée a un peu plus détaillé. Elle a parlé de ses impôts qu'elle continuait à payer sur ses revenus de l'année précédente, autour de 2000 euros, et aussi de son loyer (2000 euros également), pour dire que sa situation était un peu compliquée. On a un peu tiqué quand elle a parlé des pâtes. Mais elle n'était pas que dans la plainte. Elle a aussi dit, pour relativiser un peu : "primo : on le savait. Deuxio, on l'a voulu".
Pourquoi le "off"?
La raison de l'anonymat renvoie à l'usage du off, consistant à citer des propos sans dévoiler l'identité de leur auteur. C'est un moyen, très fréquemment utilisé dans le journalisme politique, d'obtenir - et de publier- des informations qui ne pourraient l'être sinon.
Voici ce qu'en dit Caroline Vigoureux :
<em>«L'usage veut que les propos recueillis lors des déjeuners sont du "off". C'est du moins comme cela que je travaille. Pour moi, il était convenu, dès le début de ce déjeuner, que l'anonymat serait respecté. C'est par respect pour ce contrat et pour la députée qu'elle n'est donc pas citée».</em>
Le journaliste de l'hebdomadaire présent au déjeuner va dans le même sens :
<em>«Il était convenu qu'on était en off dès le début. Si on n'avait pas été en off, si ça avait été une conversation enregistrée, elle n'aurait jamais dit ça. »</em>
Checknews a demandé, en vain, l'identité de la députée aux trois journalistes présents lors du dejeuner.
En résumé : la députée existe bien. Elle a bien tenu ces propos, selon deux témoins. Mais nous n'avons pas son identité.
Cordialement
C.Mt