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Où en est l'affaire Bygmalion ?

par
publié le 8 janvier 2018 à 12h50

Question posée par le 04/01/2018

Bonjour,
Nous avions déjà brièvement répondu sur l'affaire Bygmalion dans une précédente réponse Checknews, en l'abordant sous l'angle de la responsabilité de Nicolas Sarkozy. Reprenons l'affaire depuis le début.
Le 27 février 2014, l'hebdomadaire Le Point affirme que Jean-François Copé, alors président de l'UMP, a utilisé l'argent du parti pour sponsoriser Bygmalion, agence de communication que possèdent deux de ses amis, Bastien Millot et Guy Alvès. Des prestations auraient été surfacturées. Les intéressés nient.
Quelques jours plus tard, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour «faux», «abus de confiance» et «abus de biens sociaux». Libé révèle dans la foulée que plusieurs responsables de l'UMP n'ont pas souvenir des prestations payées par le parti à Bygmalion.
Le 26 mai 2014, l'avocat de Bygmalion reconnaît l'existence de « fausses factures ». Selon lui, «A la demande de l'UMP, la société Bygmalion a été amenée à établir des factures qui ont été imputées à l'UMP alors qu'elles auraient dû l'être à l'association de financement de la campagne du candidat Sarkozy en 2012. Il s'agit donc bien de fausses factures. […] Probablement pour éviter des dépassements de compte de campagne».
Selon un premier calcul de Médiapart, le procédé aurait permis de masquer près de 18 millions d'euros de dépenses. Dans la journée, des perquisitions ont lieu aux sièges de la société et de l'UMP.
Le soir, au journal télévisé, le directeur adjoint de la campagne de Nicolas Sarkozy et proche de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux, en larmes, confirme la version de l'avocat de Bygmalion. Le lendemain, le président de l'UMP quitte son poste.
En juin 2014, Jérôme Lavrilleux est placé en garde à vue. Dans le même temps, Libération avait recueilli ses confessions
A la fin du mois, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour 

«

faux

», «
usage de faux
», «
abus de confiance
» et «
tentative d’escroquerie
»
.
Premières mises en examen, le 1er octobre 2014: Guy Alvès, Bastien Millot, et l'ex-patron d'Event & Cie (filiale de Bygmalion), Franck Attal. Trois jours plus tard, c'est l'UMP qui est visée, puisque Eric Cesari, surnommé « l'oeil de Sarko » au sein du parti, l'ex-directrice financière Fabienne Liadze et son ancien directeur de la communication, Pierre Chassat sont mis en examen pour «faux et usage de faux» et «abus de confiance».
C'est ensuite Sébastien Borivent, directeur adjoint général de Bygmalion, qui est mis en examen pour «complicité de faux».
En
avril 2015
,
Guillaume Lambert, ex-directeur de campagne de Sarkozy en 2012, l’ex-trésorier Philippe Briand et l’avocat de l’UMP Philippe Blanchetier sont 
mis en examen
 
pour «
usage de faux
», «
escroquerie
», «
recel d’abus de confiance
» et «
complicité de financement illégal de campagne électorale
».
En juin 2015
, Jérôme Lavrilleux est lui aussi mis en examen, pour
«
usage de faux
», «
recel d’abus de confiance
», «
complicité d’escroquerie
» et «
complicité de financement illégal d’une campagne électorale
».
En
juillet 2015
, Pierre Godet et Marc Leblanc, deux experts-comptables de la campagne 2012, sont mis en examen pour «usage de faux», «recel d'abus de confiance», «escroquerie» et «complicité de financement illégal de campagne électorale». Ils avaient d’abord alerté sur des dépenses excessives avant de valider les comptes.
En février 2016, Jean-François Copé est placé sous le statut de témoin assisté.
Une semaine plus tard, c'est au tour de Nicolas Sarkozy d'être mis en examen, pour «financement illégal de campagne électoral». Il est placé sous le statut de témoin assisté des chefs d' «usage de faux», d' «escroquerie» et d'«abus de confiance».
Quelques mois plus tard, après deux ans de travail, en juin 2016, les juges d'instruction annoncent avoir terminé leur enquête. A la fin de l'été, le parquet demande le renvoi en correctionnelle des 14 personnes mises en examen.
C'est ce qu'ordonne le juge Tounaire en février 2017. Les 14 individus, sauf Nicolas Sarkozy, sont suspectés, selon l'ordonnance de renvoi, d'être auteurs ou complices d'«usage de faux» ou d'«escroquerie», ou complices de «financement illégal de campagne». Nicolas Sarkozy est le seul suspecté d'être auteur de ce dernier délit.
Jean-François Copé, qui n'avait pas été mis en examen, obtient gain de cause en appel dans un prcès intenté au Point pour diffamation, en avril 2017. Dans l'article liminaire qui avait déclenché le scandale, les journalistes accusaient, à tort, Jean-François Copé d'avoir utilisé le système de fausses factures pour s'enrichir personnellement. Les suites de l'enquête ont montré que c'est plutôt en vue de mener campagne pour Nicolas Sarkozy que les protagonistes de l'affaire avait mis sur pied ce système.
Dès l'annonce de la décision du juge Tournaire de février 2017, Nicolas Sarkozy interjette appel, au motif que le juge van Ruymbeke n'a pas signé l'ordonnance de renvoi – un désaccord entre deux magistrats est assez rare.
En décembre 2017, la la cour d'appel annonce que ce recours ne serait pas examiné avant 2018. La raison de ce report ?
Le recours ne peut être examiné tant que la Cour de cassation n'a pas rendu sa décision sur un autre point: le pourvoi (auquel s'est associé l'ancien chef de l'Etat) formulé par un autre mis en examen, Guillaume Lambert. Le directeur de la campagne de 2012 a contesté la constitution comme partie civile de l'association Anticor. Sur le bienfondé de cette constitution comme partie civile, la Cour de cassation devrait trancher d'ici la fin du mois de janvier 2018.
Troisième frein juridique à la procédure opposé par la défense : la formulation d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), au motif que pour un même délit, un judiciable ne peut être sanctionné plusieurs fois fois. 
Or, Nicolas Sarkozy a déjà été sanctionné pour le dépassement de ses comptes de campagne. En 2013 le Conseil constitutionnel avait validé le rejet des comptes du candidat de l'UMP prononcé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Ce rejet était motivé, selon la CNCCFP, par un dépassement de l'ordre de quelques centaines de milliers d'euros. Loin des 16 millions qui auraient été indûment dépensés, selon la procédure judiciaire en cours dans l'affaire Bygmalion.
Fabien Leboucq