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Bonjour, à ma connaissance, un commerçant ne peut pas vendre à perte (hors soldes) est-ce à dire qu'Intermarché à une marge de plus de 70% ? merci

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publié le 30 janvier 2018 à 15h26

Question posée par V Pergeline le 26/01/2018

Bonjour,

Cette question avait été posée à propos de la promotion ultramédiatisée d'Intermarché sur des pots de 950 g de Nutella vendus 1,41€ au lieu de 4,70€. Cette offre correspondait-elle à de la vente à perte. La réponse a été donnée par la DGCCRF. Au lendemain de l'affaire, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait annoncé au Parisien qu'elle allait se pencher sur la légalité de cette promotion. Le 22 février, une porte-parole de la répression des fraudes a livré le verdict à l'AFP (confirmant un info de RTL) : «Nos agents ont conclu au fait qu'Intermarché n'a pas respecté les dispositions en vigueur concernant la revente à perte, ce qui relève d'une infraction pénale». La porte-parole a annoncé qu'un procès verbal allait être remis à la justice. Voici quelques éléments d'explications :

Qu-est-ce que la vente à perte?

En droit français, la vente à perte (c'est à dire le fait de vendre un produit à un prix moins cher que celui auquel on l'a obtenu) est interdite par l'article L442-2 du code de commerce

«Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 75 000 euros d'amende.»

Ainsi que par l'article L. 420-5

Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits.

La question qui se poosait concernant Intermarché était donc celle ci : soit l'enseigne achète son Nutella pour un prix inférieur ou égal à 1,41€ et donc le supermarché se fait une belle marge de 70 pourcents en vendant les pots de 950g à 4,70€ en temps normal. Soit Intermarché achète son Nutella à Ferrero pour un prix supérieur à 1,41€ et pratique de la vente à perte avec sa promotion.

Des exceptions à la règle

Il existe cependant sept exceptions, définies par l'article 442-4 du code du commerce, qui autorisent la vente à perte. Elle donc autorisée pour:

  1. les ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale.

  2. les produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons de vente.

  3. les produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou de l'apparition de perfectionnements techniques.

  4. les produits, aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat.

  5. les produits alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de 300 mètres carrés et aux produits non alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de 1 000 mètres carrés, dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.

  6. les produits périssables à partir du moment où ils sont menacés d'altération rapide mais à condition que l'offre de prix réduit ne fasse l'objet d'une quelconque publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente.

  7. les produits soldés mentionnés à l'article L. 310-3.

Au regard de ces exceptions, Intermarché n'avait qu'une défense possible : les soldes

La répression des fraudes ouvre une enquête

Lundi 29 janvier 2018, le Parisien (repris ensuite par l'AFP) avait annoncé que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) allait enquêter sur la légalité de la promotion. Dans une note que Check News avait également pu obtenir, la DGCCRF posait les bases de l'enquête à venir fondées sur l'hypothèse de la période des soldes:

Alors que les soldes se sont ouvertes le 10 janvier pour une période de 6 semaines, la société Intermarché a vendu des pots de Nutella avec des promotions de 70%.

• Les produits alimentaires ne sont pas exclus des soldes, pendant lesquelles la vente à perte de marchandises est autorisée aux fins d'écouler des stocks.

• Toutefois, les pratiques commerciales restent encadrées par certaines dispositions législatives, même en période de soldes. Les produits soldés doivent ainsi avoir été achetés au moins un mois avant le début de la période de soldes considérée et l'annonce de réduction de prix doit être loyale.

• Au cas particuliers des pratiques commerciales de certains distributeurs dénoncées par la FNSEA, la DGCCRF est en mesure de contrôler que les conditions requises pour les soldes et l'exigence de loyauté de l'annonce de réduction de prix ont été respectées. Les contrôles nécessaires seront diligentés et  les suites appropriées seront données en cas de manquements.

• Enfin, le futur projet de loi sur les EGA, en généralisant l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires, contribuera à fortement limiter ces pratiques commerciales agressives, qui contribuent au déséquilibre des relations commerciales.

Restait donc à Intermarché à prouver que son Nutella avait bien les attributs d'un produit en solde, ou qu'il l'achetait à un prix d'achat effectif inférieur ou égal à 1,41€ le pot de 950 grammes. Le verdict de la DGGRC, concluant à une vente à perte, atteste que l'enseigne n'a pas convaincu les enquêteurs.

Cordialement,

Jacques Pezet

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